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Les archevêques de Mayence et de Brème se montraient complaisans pour la volonté du jeune roi, mais ils n’osèrent prononcer la dissolution du mariage sans prendre avis de la cour de Rome, où l’affaire apparut sous un aspect tout différent. En effet, parmi les services que la papauté a rendus à la moralité européenne au moyen âge, il faut compter son inexorable sévérité pour maintenir l’indissolubilité du mariage. Elle a plié la barbarie au respect de ce lien, qui est une des conditions de la sociabilité humaine. L’église s’était surtout montrée inflexible à comprimer les fantaisies des princes sur ce point, et, soit qu’elle y trouvât le moyen d’étendre sur eux son autorité, soit plutôt que ses motifs fussent d’une irréprochable pureté, rien ne put la faire dévier de sa voie à cet égard. Les enfans de Charlemagne l’avaient éprouvé les premiers ; tout récemment, le fils de Hugues Capet avait dû se soumettre, à Paris, à la loi canonique, et donner l’exemple du respect pour la grande loi morale de la catholicité. La papauté fut aussi rigoureuse pour le roi de Germanie Henri IV. Ce jeune prince inquiétait déjà le pape, Alexandre et son directeur Hildebrand. Ils redoutaient les représailles de la violence de Cologne, qui étaient attribuées au parti papal du pays allemand ; ils auraient peut-être obtenu, en cédant, une transaction avantageuse sur le droit impérial, toujours debout, à l’endroit de l’élection pontificale ; mais tel n’était point le caractère de l’altier et religieux Hildebrand. Sur la nouvelle des dispositions du roi de Germanie, le pieux cardinal Pierre Damien fut envoyé en Allemagne et déploya toutes les ressources de son éloquente charité pour détourner le jeune Henri IV du scandale qu’il était prêt à donner à la chrétienté. Le roi céda devant l’onction puissante du légat, et M. Villemain a transporté dans son récit de cette scène religieuse la simplicité sympathique des documens contemporains. La jeune reine Berthe montra dans cette occasion solennelle un esprit et une délicatesse au-dessus de son âge, et par son affection habile autant que par sa sincère résignation, elle fit la conquête de son époux, auquel elle donna toujours les preuves d’un attachement dévoué. Des historiens mal informés ont attribué à cette princesse des aventures et des dissentimens qui appartiennent à un second mariage d’Henri IV.

Dès cette époque de 1069 commence à poindre dans les chroniques des couvens allemands une malveillance calomnieuse envers le jeune roi, qui, victime politique du clergé, laissait probablement échapper des sentimens peu tendres pour les ordres monastiques