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l’émancipation ; mais autre chose était la conservation de la liberté acquise. Hildebrand était peu curieux d’en remettre le sort aux factions dont était travaillée la cité romaine. Pour aviser à ce péril, un concile fut réuni dans l’église de Latran, où le système électoral de la papauté fut réglé par un décret célèbre, dont la durée s’est perpétuée à travers les siècles en ses points principaux parce que la sagesse politique en était la base essentielle. Le texte de ce décret a fourni matière à discussion ; il faut lire à ce sujet Baronius et Saint-Marc. Le choix du pape devait appartenir désormais au collège des cardinaux-évêques, auxquels s’adjoindraient les cardinaux-diacres, curés de Rome, et un petit nombre de laïques. Le choix serait pourtant soumis à l’approbation du peuple et du clergé réunis. Le pape devait être choisi de préférence dans le sein de l’église de Rome ; mais, si l’on n’y trouvait pas de sujet digne de cette élévation, il pouvait être pris ailleurs, « sauf, était-il ajouté, l’honneur et le respect dus à notre cher fils Henri, présentement roi, et qui, s’il plaît à Dieu, sera bientôt empereur, comme nous le lui avons accordé, et comme le seront ses successeurs, auxquels le siège apostolique accordera le même droit. »

Ce décret, dit M. Mignet[1], devait mettre un terme aux anciennes élections démocratiques, qui avaient pris un caractère féodal depuis la fin du IXe siècle, et aux nominations impériales, qui s’étaient établies sur la ruine de l’élection féodale. « Il concentra l’élection des papes dans une petite assemblée de hauts dignitaires de l’église romaine, lesquels, plus éclairés, plus sages, plus religieux, furent plus disposés à faire des choix habiles. Il en exclut en quelque sorte le pouvoir intéressé de l’empereur et le pouvoir tumultueux du peuple, car être simplement appelé à confirmer, comme l’un, ou à approuver, comme l’autre, c’était avoir l’obligation de consentir et non le droit d’élire. Cette institution, qui se compléta par la cessation assez prompte des confirmations impériales et un peu plus tardive des consentemens populaires, fonda dans le collège des cardinaux un corps électoral religieux et aristocratique, qui devint le sénat de la nouvelle Rome, et donna des maximes suivies à son gouvernement. »

Ainsi la campagne de la réforme et de la liberté de l’église était partout vivement engagée, dans l’administration intérieure de l’église avec résolution, dans les rapports avec la couronne impériale avec modération. Ce n’était déjà plus une aspiration simple, c’était une cause presque gagnée. La question des mœurs, du célibat sacerdotal, du trafic des charges de l’église, était mûre dans

  1. Voyez M. Mignet, loc. cit., janvier 1861, p. 23.