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succombèrent, pas une voix ne fut perdue pour la grande réaction conservatrice, pas une voix ne fut gagnée par le parti whig à raison de ses succès dans le Levant. Le premier soin de sir Robert Peel et de lord Aberdeen fut de rétablir avec la France, en tant qu’il pouvait dépendre d’eux, les plus cordiales relations. La confiance des autres cours leur assurait sans effort une prépondérance au dehors dont ils ne se servirent que pour écarter tous les sujets d’inutile et puérile discorde au lieu de la fomenter sans relâche. L’Europe eut dès lors quelques années d’une précieuse tranquillité diplomatique, et le foreign office put reprendre ces traditions de dignité et de modération qui après tout lui sont habituelles.


Il s’agissait ici bien moins d’analyser à fond la publication de sir H. Bulvver que de la recommander à la méditation du public français. S’il est vrai que nous soyons de toutes les nations celle qui voyage le moins et avec le moins de fruit, qui s’occupe le moins sérieusement de tout ce qui tient à la puissance et la situation relatives des grands rivaux européens, les documens et les informations qui nous ont été livrés par lord Dalling sont pour nous d’un intérêt de premier ordre. En les examinant, j’ai été conduit à remettre en scène un homme justement célèbre, qui fut quelquefois l’allié, mais plus souvent l’adversaire de la France, et avec lequel je me suis personnellement trouvé en longues et assez intimes relations. Je me suis efforcé de parler de lui avec impartialité. J’ai résisté à l’entraînante admiration que m’inspire partout et toujours le spectacle d’une virile, mais légitime ambition, d’une existence laborieusement consacrée au service de la couronne et de la patrie, surtout quand des avantages accidentels rendaient indifférens les vulgaires attraits du pouvoir et multipliaient les plus redoutables séductions de la vie ordinaire. Je n’ai point cédé davantage, je l’espère du moins, au souvenir de conflits depuis longtemps terminés, ni à la juste indignation que m’ont causée d’inqualifiables imputations propagées contre ce que notre génération a produit de plus digne de respect. Si j’ai critiqué, surtout dans les procédés qui lui étaient familiers, une politique qui a rencontré tant d’adulateurs, j’ai la confiance d’avoir exprimé le jugement réfléchi de quiconque en Europe a été en mesure de former une opinion compétente. En Angleterre même, j’ai signalé les résistances qu’elle a soulevées, les réserves sous lesquelles elle a été acceptée par le sentiment public dans ses manifestations les plus éclairées et les plus élevées. Qu’il me soit permis en terminant de citer à ce propos les paroles mêmes d’un illustre compatriote de lord Palmerston, quelque temps son collègue, jamais son ennemi, et qui auront l’avantage de n’être point, en ce