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ailleurs quand le succès était encore fort problématique et la politique qu’il poursuivait fort diversement appréciée. Le royaume de Grèce portait atteinte à l’intégrité de l’empire ottoman, que l’Angleterre et l’Europe s’efforçaient de consolider, — le royaume de Belgique au grand pacte qu’elles n’avaient pas moins d’intérêt à maintenir ; — en Portugal, en Espagne, le traité de la quadruple alliance était en opposition formelle avec le principe de non-intervention que la Grande-Bretagne invoquait sans cesse ailleurs. Jusqu’ici toutefois la France et l’Angleterre marchaient d’accord ; mais dans la question italienne, il est équitable de le rappeler, lord Palmerston a prévu l’événement survenu depuis sa mort avec une obstination indomptable jusque dans les plus mauvais jours, et qui lui fait d’autant plus d’honneur que les intérêts de l’Angleterre étaient ici en désaccord naturel avec les nôtres. Sur une autre des grandes questions européennes, son opinion, souvent isolée, a été soutenue et proclamée contre l’appréciation générale avec une persévérance encore plus signalée. Il croyait le conflit avec la Russie fort probable sur la question d’Orient dans un avenir plus ou moins prochain. « La Russie, écrivait-il dès 1833, est la seule puissance avec laquelle nous soyons menacés d’une rupture ouverte, et même avec elle je ne désespère point absolument de maintenir la paix. » Il se refusait toutefois à considérer l’empire ottoman comme atteint d’un mal irrémédiable, et n’adoptait point les locutions alarmantes et médicales que M. de Metternich avait mises fort à la mode alors. En 1839, il y a plus de trente ans, il écrivait ces mémorables paroles :


« Quant à l’empire turc, si nous pouvons lui procurer dix années de paix sous la protection collective des cinq puissances, et si ces années sont employées avec profit à réorganiser le système intérieur de l’état, je ne vois aucune raison pour qu’il ne redevienne pas une puissance respectable. La moitié des conclusions erronées acceptées par le genre humain proviennent de l’abus des métaphores et de la tendance à prendre des ressemblances générales ou des similitudes imaginaires pour une identité réelle. Ainsi on compare une ancienne monarchie à un vieux bâtiment, à un vieux arbre ou à un vieillard, et parce que le bâtiment, l’arbre, le vieillard, doivent d’après les lois naturelles nécessairement tomber en ruine, dépérir ou mourir, on imagine qu’il en sera de même d’une société humaine, et que les mêmes règles qui gouvernent la nature inanimée ou la vie végétale et animale régiront aussi les nations et les états. Il est difficile de commettre une erreur plus absolue ou plus opposée aux saines déductions. En dehors de tout autre point de différence, n’oublions pas que les parties constituantes d’un édifice, d’un