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L’ENSEIGNEMENT EXCEPTIONNEL

I.
L’INSTITUTION DES SOURDS-MUETS

Le devoir de toute civilisation est de donner aux hommes la plus grande somme d’instruction que leur intelligence et leur état social peuvent comporter. Dans une étude précédente, on a vu comment l’enseignement à tous degrés est distribué à Paris ; mais il existe des êtres que l’on croirait destinés à échapper aux bienfaits du développement intellectuel, car ils sont frappés d’une infirmité incurable. Pour ceux-là, il a fallu inventer des méthodes exceptionnelles, afin de leur rendre dans l’humanité la part dont ils semblaient déchus pour toujours. Deux hommes de bien, Français tous les deux, mettant en œuvre des procédés fort simples, basés sur l’observation, confirmés par l’expérience, sont parvenus à neutraliser les effets d’une maladie localisée qui le plus souvent est le résultat d’un état général défectueux : l’abbé de l’Épée et Valentin Haüy ont des noms immortels ; leur génie et leur charité ont fait ce miracle de rendre la parole aux muets et la vue aux aveugles. Profitant avec une patiente habileté des sens qui subsistaient chez ces malheureux répudiés par la nature, ils ont obtenu dans l’organisme une sorte de transposition qui permet aux yeux de remplacer l’oreille, et au toucher de remplacer la vue. Il y a un siècle à peine que ces découvertes ont été faites pour le plus grand honneur de l’esprit humain ; elles ont produit de très sérieux résultats que l’on peut constater en visitant l’institution des sourds-muets et celle des jeunes-aveugles.