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portance qu’elle doit attacher à la possession de ce khanat, et tôt ou tard sans doute elle tentera de nouveaux efforts pour se le procurer. »

Ces prévisions étaient fondées. La Russie est à la veille d’entreprendre une expédition contre Khiva. Les notes qui vont suivre nous ont été transmises par M. Arminius Vambéry, professeur à l’université de Pesth, qui a visité, il y a plusieurs années, les contrées de l’Asie centrale. Il serait superflu de faire ressortir l’intérêt que présentent, dans les circonstances actuelles, les renseignemens géographiques et les observations politiques de M. Vambéry.


La population du khanat de Khiva ne saurait être évaluée à plus de 500,000 habitans. La portion sédentaire comprend les Euzbegs, propriétaires du sol, et les Sarts, qui exercent généralement les professions commerciales. La portion nomade se compose de diverses tribus, parmi lesquelles il convient de citer les Yomouths, qui habitent la région du sud-ouest, où ils commencent à se livrer à des travaux, agricoles, les Tchaoudors, qui promènent leurs tentes sur le plateau de Ust-Yort et se considèrent comme les maîtres du désert qui s’étend de la rive gauche de l’Oxus à la mer Caspienne, les Kirghiz et les Karakalpaks, qui errent avec leurs troupeaux sur la rive droite de l’Oxus et dans les environs du lac d’Aral, sur la côte est, où la domination de Khiva n’est que nominale.

Le khanat comptait autrefois plusieurs villes importantes ; ses écoles jouissaient même d’une grande renommée : Zamakhchari, le plus savant lexicographe arabe, et le célèbre médecin Avicenna ont professé dans les universités de Kharezm. Il ne reste plus rien aujourd’hui de ces brillantes traditions. L’invasion mongole a tout emporté ; puis sont venues les hordes turques, qui ont chassé la population iranienne en introduisant dans cette malheureuse contrée la barbarie et le désordre. L’histoire de Khiva ne présente après cette période qu’une série non interrompue de révolutions. Tantôt ce sont les Euzbegs ou les Kirghiz ou même les nomades Karakalpaks qui s’emparent du pouvoir ; tantôt c’est la Boukharie ou la Perse qui domine. La dynastie actuelle, de la branche Kungrat, occupe le trône depuis les premières années de ce siècle ; mais elle n’a pu maintenir son autorité qu’au prix de luttes continuelles. Les villages sont constamment à la merci des tribus nomades, qui les pillent ou les rançonnent impunément. Les ruines s’accumulent, les champs autrefois bien cultivés demeurent en friche, et la steppe gagne.

Dans de telles conditions, Khiva ne peut entretenir de relations amicales ni même régulières avec les états voisins. La cour de Téhéran ne saurait voir avec indifférence les marchés du khanat, où les hordes du Turkestan viennent vendre comme esclaves les prisonniers enlevés dans les villages de la frontière persane. On a compté jusqu’à 20,000 de ces prisonniers qui étaient occupés à labourer les champs des Euzbegs ou à