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rues, quand les radicaux finissaient par céder. Première victoire de la pression extérieure ! Le ministère républicain homogène était conquis, il ne restait pas moins en présence d’une majorité assez hostile retranchée dans les cortès et irritée de sa défaite. Ces jours derniers la lutte s’est ravivée plus dangereuse encore peut-être. Cette fois il s’agissait de décréter l’élection d’une assemblée constituante, et en attendant le ministère voulait obtenir la suspension des cortès actuelles. Les radicaux se sont montrés aussitôt fort récalcitrans ; ils ont nommé une commission opposée au projet du gouvernement ; le rapport était déjà prêt. Le ministère de son côté déclarait qu’il se retirerait s’il voyait ses propositions repoussées. Jusqu’à la dernière heure un conflit a paru inévitable. Qu’est-il arrivé au moment décisif ? Toute cette opposition s’est évanouie. Le président même des cortès, M. Martos, qu’on disait le promoteur de cette résistance, a rendu les armes devant le ministère. Le projet du gouvernement repoussé par la commission a été voté. Le secret de cette soumission de la majorité, c’est que, tandis qu’on délibérait, la multitude ameutée se répandait dans Madrid et autour de l’assemblée, prête à courir aux armes s’il y avait un vote hostile. Il y a mieux, à Barcelone déjà on faisait mine de proclamer la république fédérale, « l’état autonome catalan ; » on se disposait à secouer l’autorité de Madrid, et plus d’une grande ville allait en faire autant. Il a fallu que le chef du gouvernement, M. Figueras, allât lui-même à Barcelone pour essayer de calmer cette effervescence provoquée par la simple possibilité d’un acte d’indépendance de la majorité des cortès, et une apparence de paix a été rétablie pour le moment. M. Figueras a été reçu avec toutes les pompes usitées, au milieu des « ovations populaires ; » il représentait aux yeux des républicains catalans le triomphe du gouvernement sur une chambre réputée désormais réactionnaire.

Certainement après cela les radicaux de l’assemblée n’ont plus rien à faire à Madrid. Ils sont au bout de leur rôle et, il faut le dire, ce rôle n’a pas été brillant. Depuis deux ans, ils ont servi la monarchie d’Amédée de façon à la perdre, et le jour est venu où ils se sont vus abandonnés par cette royauté même dont ils se faisaient un jouet. Ils se sont faits les parrains de la république, et ils sont aujourd’hui évincés par la république malgré la majorité dont ils disposent dans le parlement. Ils n’ont point eu tort de se résigner, puisque, s’ils avaient résisté jusqu’au bout, c’était la guerre civile dans les vingt-quatre heures, comme on l’a dit, et qu’ils n’avaient aucune autorité morale pour faire face à l’immense anarchie qui allait éclater ; mais enfin c’est ainsi, il n’y a plus désormais de représentation nationale à Madrid. L’assemblée qui existe encore va se séparer après avoir voté pour la forme deux ou trois lois qu’on lui demande, et elle ne laissera derrière elle qu’une commission de permanence qui n’aura qu’un caractère consultatif. Les élections doivent se faire le 10 mai, une assemblée constituante doit se réunir le