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parlement de l’empire va sans doute s’occuper de ces questions, et en attendant le parlement prussien, qui est depuis quelque temps en session à Berlin, est tout entier aux affaires particulières de la Prusse, si la Prusse a aujourd’hui des affaires particulières. La chambre des seigneurs vient de voter une modification des articles de la constitution qui règlent les rapports de l’état et de l’église. M. de Bismarck a cru devoir intervenir lui-même dans le débat, et il a fait le plus singulier discours pour démontrer au parti conservateur que c’est lui qui, par ses divisions, par ses résistances aux volontés du gouvernement, contribue le plus aux progrès indubitables du libéralisme. La seconde chambre de son côté a été surtout occupée dans ces derniers temps d’une question soulevée par un député libéral, M. Lasker, qui a fait les plus graves, les plus étranges révélations sur les abus des concessions et des administrations de chemins de fer. Il s’est même trouvé qu’un haut fonctionnaire, très favorisé du gouvernement, ancien directeur de la Gazette de la croix, M. Wagener, a été fort compromis dans tous ces tripotages de finance et d’industrie. On s’est hâté de nommer une commission d’enquête pour désarmer M. Lasker, et M. de Bismarck a même fait décider que désormais tout ce qui avait trait aux chemins de fer serait soumis non pas au seul ministre des travaux publics, mais au conseil des ministres tout entier. Il est donc vrai, la vertu allemande n’est pas à l’abri des faiblesses, et les moralistes germaniques qui sont toujours occupés à chercher la corruption en France feraient bien de regarder un peu dans les affaires de leur propre pays, de surveiller de près l’agiotage effréné qui est devenu depuis quelque temps une des plaies de la société berlinoise.

La république a pu naître assez facilement à Madrid dans le vide laissé tout à coup par l’abdication imprévue du roi Amédée ; elle a plus de peine à vivre, à s’établir d’une façon respectable ou même saisissable, à se dégager à demi victorieuse des difficultés qui l’ont assaillie dès sa naissance. Le ministre des affaires étrangères de la république nouvelle, M. Emilio Castelar, fidèle aux usages diplomatiques, n’a point négligé sans doute de parler à l’Europe sous la forme d’une circulaire adressée aux représentans de l’Espagne à l’étranger. Il s’est efforcé de décrire le déclin moral de la monarchie au-delà des Pyrénées, l’origine légale et régulière de la république. Sa circulaire est assurément l’œuvre d’un homme de talent et même d’un esprit sagace et habile, qui sent par-dessus tout la nécessité de dissiper les défiances, de rassurer les gouvernemens sur les caractères du régime qui vient de s’inaugurer un peu brusquement à Madrid. M. Castelar n’hésite point à demander le concours moral de l’Europe en retour de l’énergie que l’Europe a le droit de demander au gouvernement dont il fait partie. Malheureusement la brillante diplomatie de M. Emilio Castelar, un peu modelée sur la diplomatie de Lamartine en 1848, n’a point eu jusqu’ici un succès décisif.