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magne, à Berlin, où à côté des chambres prussiennes le parlement fédéral se réunit en ce moment ; elle se déroule en Espagne au milieu des péripéties d’une révolution, et en Portugal au milieu des craintes qu’excite cette révolution d’où est sortie la république espagnole.

Reprenons un instant. Il est certain qu’en Angleterre tout d’abord, dans ce pays des fortes institutions et de la liberté pratique, le parlement s’est ouvert sous les plus favorables auspices. Le ministère Gladstone, ce ministère qui a vécu cinq ans, ne semblait point très menacé, quoiqu’il ait traversé de formidables crises extérieures, quoique dans ces crises et dans la plupart des affaires qu’il a conduites il n’ait pas assuré à l’orgueil britannique les plus victorieuses satisfactions. Sa force, c’était d’avoir donné la paix à l’Angleterre au milieu de tous les conflits et d’être un ministère libéral. C’est à peine si lord Derby dans la chambre des pairs et M. Disraeli dans la chambre des communes l’avaient effleuré au début de la session de quelques critiques sommaires et générales, qui ne l’avaient guère ébranlé, qui ne révélaient même pas un plan de campagne sérieusement organisé contre lui. Les vraies difficultés sont survenues lorsque le ministère a présenté un bill sur la réorganisation de l’université d’Irlande. Ces questions irlandaises ont assez souvent le privilège de soulever les passions, de devenir des occasions de conflits, et elles ont coûté la vie à plus d’un cabinet anglais. Le nouveau bill a eu dès son apparition le tort de toutes les œuvres de transaction : il n’a contenté personne, ni les catholiques qui se sont irrités de voir l’instruction sécularisée, ni les protestans qui se sont révoltés contre les concessions faites aux catholiques, ni les libéraux qui ont trouvé que, par un esprit de ménagement excessif pour les influences religieuses, on mettait trop de restrictions dans les programmes d’enseignement. Il en est résulté aussitôt une situation parlementaire assez laborieuse, que M. Gladstone caractérisait suffisamment l’autre jour dans un banquet en disant que le gouvernement n’était pas sur un lit de roses. Il était menacé en effet de se voir abandonné de nombre de ses amis, tandis que le parti conservateur saisissait naturellement l’occasion de lui livrer bataille en aggravant les dissidences et les conflits.

Malgré tout cependant, le ministère, disposé comme il l’était à tous les accommodemens possibles, pourvu que le principe du bill fût maintenu, le ministère se croyait encore maître du terrain. Il se fiait peut-être à sa fortune, et il s’est trompé. Au moment décisif, dans une des dernières nuits, la lutte s’est resserrée et animée entre M. Gladstone et M. Disraeli. Le ministère est resté en minorité de deux ou trois voix ; il a perdu la bataille ! M. Gladstone a dû demander sur-le-champ à la chambre des communes de s’ajourner pendant quarante-huit heures pour laisser au gouvernement le temps de prendre une résolution. Une question naissait effectivement de ce vote presque imprévu. La reine appellerait-elle le chef de l’opposition victorieuse, M. Disraeli, pour lui