Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/502

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tuant de l’assemblée, parce qu’ils gardent la secrète espérance de pouvoir s’en servir. Ce qu’ils n’admettent plus du tout, c’est ce programme d’institutions politiques à créer, parce qu’ils craignent que, si on donne une apparence d’organisation régulière au régime actuel, la république ne finisse par s’établir insensiblement, de façon à être acceptée sans avoir même besoin d’être proclamée !… Ce n’est point impossible. Il faut bien s’entendre cependant : si les monarchistes se croient en mesure de se servir de ce pouvoir constituant qu’ils revendiquent avec une sorte d’âpre jalousie, que le vigilant M. de Belcastel a voulu même, par un amendement, soustraire au terrible et menaçant droit de veto conféré à M. le président de la république, si les monarchistes, usant de ce pouvoir constituant qu’ils ont réservé dans toute son intégrité, croient pouvoir rétablir la royauté, pourquoi ne la rétablissent-ils pas ? S’ils se sentent impuissans, à qui la faute, si ce n’est à eux-mêmes ? Si la monarchie n’a pas été restaurée depuis deux ans, ce n’est à coup sûr ni par la faute du gouvernement, ni même par la faute des républicains, qui ne leur ont certes pas opposé des prodiges de génie et d’habileté. Ils n’ont rien fait, parce qu’ils ne pouvaient rien faire, et même aujourd’hui ils ne trouvent rien de mieux que de se succéder à la tribune pour réciter des litanies plus ou moins bien cadencées en l’honneur d’un droit royal tout platonique. C’est tout ce qu’ils peuvent, surtout au lendemain du nouveau mécompte qu’ils ont trouvé dans cette fusion tant de fois essayée et tant de fois avortée. Les monarchistes ont vraiment tort de faire trop de bruit, ils devraient suivre les conseils de modestie que M. Thiers a donnés à tout le monde, parce qu’en fin de compte on pourrait prouver que, si la monarchie n’existe pas depuis deux ans, c’est qu’ils ont été absolument au-dessous du rôle que les circonstances semblaient leur avoir un moment attribué. C’est là le fait brutal ; mais si les royalistes de l’extrême droite ne peuvent rien pour leur principe, de quel droit refuseraient-ils à la France les institutions organiques dont elle a besoin ? Pourquoi ces récriminations si vives et si amères contre la commission, qui n’a eu d’autre tort que de se prêter à l’étude de ces institutions nécessaires ? La vérité est que les royalistes de l’extrême droite se sont fait un instant l’illusion qu’ils allaient trouver dans la commission des trente un instrument de leurs desseins ou de leurs passions. Ils ont été déçus en voyant la transaction qui s’est produite, et alors irrités contre les membres de la commission, qu’ils ont traités de défectionnaires, ils sont tombés dans cette opposition acrimonieuse dont le dernier mot est de tout refuser, de tout empêcher, puisqu’ils ne pouvaient arriver à leur but. Les légitimistes à outrance reviennent à cette politique toute négative qu’ils ont si longtemps pratiquée et qui leur a si bien réussi !

À quel mobile ont obéi de leur côté les républicains de l’extrême gauche, les radicaux, en combattant l’œuvre de la commission des