Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/501

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’arrière-pensée qu’on portait dans le débat, la monarchie ou la république. Ce qu’on demandait au gouvernement, c’était un gage qu’il n’avait pas le droit de donner, c’était une affirmation dont on pût se servir dans l’intérêt d’une restauration monarchique ou au profit de l’affermissement définitif du régime républicain. Tout est là, c’est la clé de notre histoire parlementaire depuis deux ans, depuis quatre mois surtout. On oublie ce qui fait les affaires du pays, il s’agit d’abord de savoir ce qui peut conduire à la monarchie restaurée ou à la république définitivement fondée. On suit le vent et les circonstances pour tirer parti de tout ; tantôt on a l’air de se rapprocher d’une possibilité monarchique, tantôt on paraît s’établir plus que jamais dans la république. Seulement, dès que l’un des partis semble prendre l’avance et toucher à la terre promise du définitif qu’il rêve à son profit, il se sent aussitôt impuissant, il se voit de nouveau rejeté en arrière, soit par sa propre faute, soit par le veto de tous les autres partis, et de toutes ces luttes, de ces oscillations, que reste-t-il périodiquement ? On revient tout simplement à ce provisoire que la loi nouvelle cherche à organiser, à cette trêve des opinions dont on se moque lorsqu’on croit n’en avoir plus besoin, qu’on invoque de nouveau lorsqu’on s’aperçoit qu’on ne peut pas faire ce qu’on voudrait.

C’est la ruine de la France, s’écrient à l’envi les grands docteurs de la légitimité et du radicalisme, le pays ne peut supporter ces incertitudes, il aspire à être fixé sur ses destinées. Ce qui est admirable, c’est l’assurance avec laquelle les esprits absolus se jettent à la poursuite de ce mystérieux définitif dans un temps et dans un pays où depuis quatre-vingts ans tous les régimes se sont succédé, où ils ont tous été plus définitifs les uns que les autres, et où le sol est couvert des ruines qu’ils ont laissées derrière eux. M. Thiers a donné finement cette leçon à tous les partis en leur racontant leur propre histoire et en leur conseillant la modestie. Ils n’en peuvent croire l’histoire, et ils ne sont guère disposés à être modestes. Ils ne s’aperçoivent pas que leur ignorance et leur présomption ne changent rien. À l’heure où nous sommes en fait de définitif ou de provisoire, il n’y a qu’une chose vraie, la souveraineté nationale, qui domine tout, et une bonne, une prévoyante politique donnant à la France des institutions de première nécessité faites pour la soutenir dans les crises qu’elle peut avoir encore à traverser. C’est là en définitive, à part la puérilité de certains détails le sens tout simple et tout pratique de cette loi des trente : elle met hors de cause la souveraineté nationale représentée par l’assemblée, et elle offre à tous les esprits sérieux ce programme où elle a inscrit, d’accord avec le gouvernement, la création d’une seconde chambre, la réforme de la loi électorale, la transmission des pouvoirs publics.

Voilà justement toujours la question. Les monarchistes admettent bien cette réserve faite par la loi des trente en faveur du droit consti-