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voyait pas sur quel article des traités le gouvernement japonais pourrait s’appuyer pour exiger l’interdiction de tout rapport entre les missionnaires et les chrétiens dans les limites des ports et territoires dont l’accès est permis aux étrangers. En résumé, les habitans d’Ourakami avaient été déportés parce qu’ils professaient la religion chrétienne et pas pour autre chose. Dans les premiers jours de février 1870, les ministres japonais, revenus à Yokohama, avaient encore une longue conférence avec les agens étrangers, et l’importance qu’ils attachaient à leur fournir des explications supplémentaires, le soin avec lequel ils s’efforçaient d’atténuer la portée de la mesure prise contre les chrétiens, indiquaient à quel point ils étaient eux-mêmes préoccupés de la question. Cette fois encore, les représentans des puissances plaidèrent avec la plus grande vigueur la cause de la tolérance religieuse et de l’humanité. Ils s’engagèrent toutefois à faire respecter les traités par les missionnaires et à empêcher de leur part toute propagande en dehors des ports ouverts aux étrangers, si de son côté le gouvernement japonais réintégrait dans leurs foyers les chrétiens qui en avaient été arrachés.

Cette proposition ne fut pas acceptée, le gouvernement japonais déclara au bout de quelques jours qu’à ses yeux le retour des chrétiens à Ourakami aurait les plus graves inconvéniens, et qu’en conséquence il se montrait résolu à ne se relâcher de sa rigueur que pour ceux des déportés qui auraient donné des preuves de ce qu’il appelait leur bonne conduite. C’était là une manière détournée de dire que le gouvernement ne rendrait à la liberté que ceux des chrétiens qui auraient apostasié.

Bien que les efforts des agens diplomatiques n’aient pas été d’abord couronnés de succès, ils n’ont pas été inutiles. Dans les premiers jours de l’année dernière, soixante-dix chefs de famille qu’on avait déportés de Nagasaki en qualité de chrétiens y ont été réintégrés. Une dépêche télégraphique du chargé d’affaires de France au Japon annonce que les chrétiens d’Ourakami, arrachés à leur demeure en février 1870, et condamnés aux mines malgré les démarches des ministres de toutes les puissances, vont être mis en liberté. Il résulte de la même dépêche, expédiée de Yokohama le 24 février, que le gouvernement japonais vient d’abroger les édits contre la religion chrétienne. Il est évident que les persécutions contre les chrétiens se rattachaient au système d’hostilité générale dont les étrangers furent si longtemps victimes dans l’empire japonais ; aujourd’hui que des principes civilisateurs semblent devoir s’y acclimater définitivement, il y a lieu d’espérer que la tolérance religieuse finira par n’y plus rencontrer d’adversaires. L’ambassade japonaise, qui étudie en ce moment les mœurs et les institutions de l’Europe, se convaincra des avantages qui découlent de la liberté