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chose de chevaleresque qui est la part d’héritage que leur ont léguée les colons français du Canada.

Sur ces 39 millions d’individus, on compte 5 millions de nègres, moins de 400,000 Indiens et quelque 50,000 Chinois importés par la Californie ; le reste est de race blanche. La moitié des habitans sont nés ailleurs qu’en Amérique ou sont nés sur le sol américain de parens étrangers, tant l’immigration est active depuis soixante ans. Les Français n’entrent maintenant que pour 2 ou 3 pour 100 dans le chiffre total de la population ; on le sait, nous n’émigrons guère au-delà de l’Atlantique.

Cette nombreuse population se répartit fort inégalement entre 37 états et 10 territoires qui forment les divisions politiques de l’Union. L’état de New-York a 4 millions 1/2 d’habitans sur une surface qui est le quart de la France ; l’état de Nevada n’en a que 42,000 avec une superficie presque double. Les grandes villes se développent d’année en année, ce qui a lieu de surprendre en un pays où l’exploitation du sol est la principale source de richesse. C’est ainsi que New-York, avec Brooklyn et Jersey-City, qui n’en sont séparés que par des bras de mer, forme maintenant une agglomération de 1 million 400,000 âmes. Philadelphie, Saint-Louis, Chicago, Baltimore, Boston, Cincinnati, ont plus de 200,000 habitans ; seize autres villes dépassent le chiffre de 50,000. San-Francisco, qui n’existait pas en 1848, est devenue une ville de 150,000 âmes. Ces détails numériques ne sont pas sans importance ; outre qu’ils montrent comment la population se distribue, ils font comprendre aussi quels graves problèmes les ingénieurs doivent étudier pour satisfaire aux besoins municipaux de cités qui s’agrandissent à l’improviste au-delà de toute prévision, au-delà de toute expérience antérieure.

Le point saillant à retenir de cette esquisse géographique est celui-ci ; les premiers colons trouvèrent sur le littoral de l’Atlantique, à l’embouchure des fleuves, de grandes baies bien abritées : ils s’y établirent tout d’abord ; mais, sauf l’Hudson, qui est navigable au nord jusqu’à Albany, sur 240 kilomètres de long, ces cours d’eau, interceptés par des rapides, ne permettent pas de remonter à l’intérieur des terres. Les fondateurs des villes littorales telles que Boston, Philadelphie, Baltimore, Richmond, semblaient donc au premier abord n’avoir d’autre champ d’action que le versant oriental des Alleghanys. Toutefois les pionniers du Canada, plus aventureux, pénétraient dans le riche bassin du Mississipi. Les productions naturelles de cette contrée fertile ne pouvaient s’exporter commodément ni par les côtes insalubres de la Louisiane, ni par les lacs du nord, que la glace encombre plusieurs mois chaque année. La chaîne des Alleghanys était une barrière qu’il fallait