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même un journal, la Feuille pédagogique[1], qui paraît périodiquement, à l’instar des Berliner Blätter für Schule und Erzichung. Elle publie les actes officiels qui intéressent les gymnases et des articles spéciaux sur l’utilité des langues vivantes, les devoirs que l’élève doit faire à la maison, le rôle de la famille dans l’éducation, etc. Son but est, conformément aux principes de Frœhlich, de mettre en rapport l’école et la famille pour la collaboration à l’œuvre commune, et de venir en aide à la bonne volonté des parens en les tenant au courant des principales questions d’éducation. En un mot, les gymnases féminins sont entrés dans les mœurs russes. On les préfère aux instituts, surtout parce qu’ils n’éloignent pas l’enfant du foyer paternel. Pourtant l’externat est un régime dont ne peuvent pas s’accommoder toutes les familles. De même qu’autour de nos lycées d’externes à Paris, il s’est créé autour de certains gymnases féminins des pensionnats soumis à la surveillance de l’administration scolaire.

Rien assurément ne contribuera plus au progrès de cette bourgeoisie russe, si peu nombreuse encore, mais déjà si laborieuse et si intelligente, que l’institution des gymnases féminins. La bourgeoisie russe tend à concentrer toutes ses forces vives ; elle retient dans son sein une partie de ce qu’on appelle la noblesse, elle y appelle sans cesse de nouvelles fractions du peuple. La distance diminue mieux que dans notre pays démocratique entre la femme d’un juge et la femme d’un marchand, la première se souviendra que la seconde a été sa condisciple au Vassili-Ostrof ou au gymnase Marie. Les divers élémens de la bourgeoisie féminine se fusionnent au gymnase comme ceux de la bourgeoisie masculine. Les rivalités, les dédains, les vanités de femme, dissolvans si énergiques de notre société, s’atténuent devant la solidarité qu’entraînent une éducation commune, une instruction égale. Tel est le premier avantage social du gymnase féminin. Quant aux reproches qu’on peut lui faire, quelques-uns ne me semblent pas très fondés. Il peut créer, dit-on, un prolétariat savant. Il est vrai que beaucoup de jeunes filles sortent du gymnase à la fois savantes et pauvres ; mais étaient-elles riches avant d’y aller ? Auraient-elles eu plus de facilités d’existence, si elles n’y étaient pas entrées ? L’instruction reçue leur ôte-t-elle un seul des moyens de travail que possède une femme ordinaire, et ne lui assure-t-elle pas des ressources nouvelles, un travail plus lucratif et plus honorable ? Une jeune fille qui à force d’étude est devenue maîtresse dans un

  1. Pedagoghilcheskii Listok, spécialement consacrée aux gymnases de Saint-Pétersbourg.