Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/344

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’il le faut ; après la troisième, on la rendra à sa famille. A la fin de chaque année scolaire, il y a une solennité publique où l’on distribue des prix aux meilleures élèves ; à la fin des études, les élèves distinguées reçoivent dès livres et des médailles. Celles qui ont achevé le cours d’enseignement avec succès reçoivent un attestat qui leur permet d’entrer sans examen aux cours pédagogiques et leur confère le droit d’enseigner, comme institutrices privées, les matières pour lesquelles elles ont reçu ce témoignage.

Ce qui a fait la fortune des gymnases dès l’origine, c’est la petite bourgeoisie. Imbue d’un esprit très positif, mais profondément convaincue de l’utilité, même au point de vue pratique, d’une bonne instruction générale, elle s’est empressée de leur envoyer ses enfans. Une partie de la haute bourgeoisie, des fonctionnaires, de la noblesse, dominée par les vieux préjugés, s’est tenue quelque temps à l’écart ; enfin, voyant qu’on recevait au gymnase un excellent enseignement, qu’aucun des inconvéniens prophétisés ne se réalisait, les hautes classes se sont résignées à leur tour à profiter du progrès accompli. J’ai pu voir sur les registres des gymnases les noms des filles de généraux et de conseillers d’état inscrits à côté de filles d’artisans. S’il s’agissait de jeunes garçons, les mieux élevés seraient peut-être disposés à prendre les mauvaises manières de quelques-uns de leurs camarades ; mais remarquons qu’il s’agit ici de petites filles, c’est-à-dire de petites femmes. Leur instinct de délicatesse féminine les porte plutôt à s’assimiler ce qu’il y a de gracieux et d’élégant que ce qui leur paraît grossier. Dans les cours supérieurs principalement, toute différence dans les manières ou dans la tenue s’efface entre les jeunes filles appartenant aux différentes classes de la société. Au point de vue intellectuel, l’aristocratie de la classe n’est pas toujours celle du monde. Pour effacer également toute distinction extérieure, pour mieux achever la fusion de tous ces élémens, pour empêcher les mauvais sentimens que pourrait faire naître la comparaison des robes et des toilettes, dans certains gymnases on a prescrit un uniforme. Dans un gymnase de Moscou, j’ai remarqué que toutes les jeunes filles étaient vêtues de robes brunes, et c’est une princesse qui a pris la peine de me développer les avantages de cette mesure égalitaire, Malgré tout, il y a encore des parens récalcitrans à l’idée des écoles communes. La Feuille pédagogique entreprenait récemment une campagne pour leur conversion, et l’on peut s’étonner du langage tenu par un organe semi-officiel dans un pays que nous avons de la peine à nous représenter comme une démocratie. Même dans notre Occident libéral et égalitaire, les conservateurs pourraient tirer quelque profit de ses conseils :