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signifiant que nous devons nous efforcer de réaliser notre idéal humain, que la pratique du bien dans nos rapports quotidiens avec nos semblables, le soin de notre dignité dans notre conduite privée, la politique, la science et l’art doivent désormais prendre la place qu’occupaient auparavant les œuvres pies, regardées comme garanties seules valables du bonheur futur. Nous n’avons rien à objecter en principe ; seulement on se demande en vain pourquoi cette manière d’entendre la vie serait contraire au christianisme bien compris. La vieille parabole du levain disait déjà quelque chose de très semblable. La religion n’est pas appelée à pétrir la vie selon les exigences d’une de ses formes temporaires, mais elle doit la pénétrer, la purifier, l’ennoblir du dedans et en quelque sorte par-dessous. Pourquoi donc, sans renoncer ni à la politique, ni à la science, ni à l’art, l’homme de nos jours ne ferait-il rien pour cultiver un sentiment aussi essentiel, aussi bienfaisant que le sentiment religieux ? Pourquoi devrait-il renoncer aux avantages qui, sur ce terrain comme sur tous les autres, résultent de l’association ? Nous ne demandons pas mieux que de voir partout l’église cesser de régenter l’état, mais cela ne signifie pas que l’église ou l’association religieuse soit désormais un hors-d’œuvre.

Ce qui n’est pas moins curieux, c’est la politique développée par ce célèbre représentant de la science allemande. Jamais confirmation plus éclatante n’a été donnée de ce que M. G. Vogt avançait dans ses lettres sur la guerre franco-allemande, quand il parlait de l’étroitesse de vues et du servilisme en face de la Herrschaft qui caractérisent trop souvent les érudits allemands les plus audacieux dans leurs livres, dès qu’il s’agit d’un conflit possible avec les puissances établies. Du reste pourquoi parler de la politique de M. Strauss ? Il a, sur ce domaine, des préjugés, des haines, des peurs, pas une idée, et si ce n’était la sincérité de son patriotisme, que nous respectons, même quand il s’égare, nous aurions le droit de dire qu’il n’est pas possible à un homme d’esprit de faire plus piteuse mine devant la galerie qui l’écoute. On remarque dans cette partie du manifeste le dithyrambe de rigueur en l’honneur des Hohenzollern ; il fallait s’y attendre. Le hohenzolléranisme, — pardon de l’affreux mot, — prend en Allemagne la place que le napoléonisme a occupée longtemps chez nous. On apprend que les peuples latins, en dépit des lois Grammont et autres semblables, maltraitent les animaux bien plus brutalement que les peuples germains, bien que ceux-ci aient encore quelques progrès à faire. Nous lisons que la guerre est aussi nécessaire à l’humanité que l’agriculture et le commerce : créer des sociétés de la paix, c’est comme si l’on en fondait pour l’abolition du tonnerre, et