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C’est déjà une marge considérable pour des augmentations dans les produits ; il en est une autre qui doit survenir des supplémens de taxe, des décimes accrus, des taxes nouvelles qui, stériles dans la période d’essai et sujettes à des tâtonnemens dans l’application, doivent fructifier avec le temps et un maniement plus habile.

Enfin le dernier moyen de relèvement, c’est le retour complet du mouvement de l’aisance, ordinairement si vif à Paris, et qu’ont ralenti des ébranlemens et des déclassemens de fortunes. Il n’y a pas là-dessus d’illusions à se faire ; pour des yeux attentifs, les signes d’une moindre aisance sont manifestes, comme ceux également d’une moindre activité. Le passant, l’étranger même, peuvent recueillir cette impression dans un premier aspect. Comment s’en étonner après tant de souffrances et d’ignominies ? C’est déjà un miracle que Paris soit redevenu ce qu’il est et qu’au moment où il sombrait dans l’abîme les mains qui l’ont sauvé n’aient pas désespéré de lui. Un miracle non moins grand est d’avoir vu quelques semaines après la rentrée de nos troupes la circulation se rétablir dans des rues la veille désertes ou hérissées d’obstacles, les maisons se repeupler, les panneaux des magasins se rouvrir, l’approvisionnement se reconstituer et la vie commerciale renaître. Depuis lors, ces symptômes des premières heures n’ont fait que grandir, assurer les progrès d’une convalescence rapide, on pourrait dire d’une résurrection, et n’est-il pas vrai que cette résurrection eût été plus prompte et plus complète, si l’assemblée nationale s’y fût mieux associée, si, renonçant à des préventions qu’aucun acte n’a justifiées, elle se fût rapprochée d’une ville qui ne demandait, après de cruelles angoisses, qu’à vivre en paix avec tout le monde ? Frappé d’une certaine disgrâce, Paris s’est recueilli, et n’a pris conseil que de lui-même, travaillant de son mieux, faisant le moins de bruit possible. Son génie l’a servi en cela ; il a eu également, à des heures marquées, pour compagnons et auxiliaires ces cœurs dévoués, ces volontés humbles ou puissantes qui, depuis près d’un siècle, l’ont assisté dans toutes ses crises : celle-ci, la plus rude sans contredit, prendra fin comme les autres. Le plus fort est fait, et de plus en plus les perspectives se dégagent. A quelques fluctuations près, les affaires tendent à regagner le niveau d’autrefois ; la confiance a moins d’éclipses, le crédit une meilleure assiette, et ce n’est pas quelques budgets en déficit ni quelques opérations de voirie mal engagées qui pourront troubler le bénéfice de cette reprise d’activité.


LOUIS REYBAUD.