Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ressources, si abondantes qu’elles soient, ne peuvent suffire aux goûts de luxe et à l’esprit de dilapidation qui règnent. Comme des fils de famille arrivés inopinément à la fortune, on fait argent de tout. Dans l’un et l’autre régime, on a donc recours à l’emprunt sous deux formes et dans des proportions très inégales, pour des nécessités tant que dure la république, et, quand vint l’empire, pour des prodigalités. Ces prodigalités, notre génération en a été témoin et complice. Qui ne se souvient de ces heures de vertige, durement expiées ! Paris n’était plus alors qu’un chantier ; partout, sous la pioche des démolisseurs, s’ouvraient de larges trouées, converties presque à vue d’œil en avenues monumentales. Les projets d’écoles ne foisonnaient pas comme aujourd’hui ; en revanche que de parcs et de squares ouverts aux ébats populaires, et tous achevés avec leurs eaux et leur verdure ! Que de boulevards improvisés ! Que d’arbres transplantés à grands frais ! C’était de la féerie, mais c’était en même temps le retour de la dette que M. de Rambuteau avait vue s’éteindre, et qui reparaissait dans des termes plus onéreux que jamais malgré les déguisemens dont on s’efforçait de la couvrir.

Voilà où nous en sommes, et où nous ont conduits ces défis insensés jetés à la fortune. L’expiation a suivi de près l’enivrement ; aux prospérités artificielles ont succédé les ruines encore fumantes de la guerre étrangère et de la guerre civile. Le temps est donc venu de se recueillir et de compter strictement ce qu’ont coûté à la ville de Paris deux années calamiteuses. L’inventaire est assez triste. L’épargne publique, là où elle subsistait, a disparu ; les épargnes privées ont été profondément entamées ; il y a eu, dans l’ensemble des services, accroissement des charges et diminution de revenus, double cause de mécompte, et, pour comble, ces dommages essuyés coup sur coup ont notablement empiré par une contribution de guerre de 200 millions frappée sur la caisse municipale. Telle est la liquidation qui reste à faire et dont un projet de loi a saisi l’assemblée nationale.


I

Cette contribution de guerre avait été empruntée d’urgence à la Banque de France, qui aujourd’hui en est intégralement remboursée ; à son tour, la ville de Paris en a poursuivi le recouvrement des mains de l’état, comme droit d’abord, puis comme condition essentielle du rétablissement de ses finances. Le droit était des plus clairs, il résultait des termes mêmes auxquels avait été souscrite la contribution de guerre et des circonstances qui l’avaient accompagnée.