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venues corroborer les enseignemens de la faune et de la flore actuelles. L’évolution organique, l’évolution paléontologique et l’évolution embryologique étant parallèles, cet accord est une preuve sans réplique de la solidité du dogme de l’évolution substitué à celui de la création successive de chaque être vivant en particulier, telle que la concevait Linné.

Goethe, contemporain de Lamarck, était pénétré des mêmes idées. Néanmoins on ne trouve dans ses écrits aucune preuve qu’il ait connu ses ouvrages. Des observations personnelles, fécondées par un puissant esprit de synthèse, l’avaient amené à des conclusions fort semblables à celles du célèbre naturaliste français. Ainsi disait-il : « Une similitude originaire est la base de toute organisation. La variété des formes résulte des influences extérieures, et, pour expliquer les variations constantes ou accidentelles du type primitif, on est forcé d’admettre une diversité virtuelle originaire et une transformation continue. »

Dans son Histoire naturelle de la création, M. Hæckel proclame avec raison Goethe, Lamarck et Darwin comme les fondateurs de l’histoire naturelle moderne. Goethe a formulé les principes généraux, conçu le type ostéologique des animaux supérieurs et appliqué l’idée de la métamorphose aux organes si variés des végétaux. L’influence des milieux sur l’organisme et la transmission par l’hérédité appartiennent à Lamarck ; la théorie de la sélection naturelle à Darwin et à Wallace. Lamarck l’avait pressentie. Il décrit très nettement[1] la lutte pour l’existence, et démontre que ce sont les animaux les plus forts qui survivent aux autres ; mais il n’avait pas aperçu les conséquences infinies de ce principe et le rôle immense qu’il joue dans la nature : il s’applique aux sociétés humaines comme aux tribus animales. L’homme, abusant de sa supériorité, ne se contente pas de détruire les animaux qui lui sont nuisibles et de sacrifier ceux qui lui sont utiles ; il tourne ses armes contre lui-même, tue son semblable, et des milliers d’êtres humains périssent dans l’intérêt de quelques individus privilégiés dont la vie n’est jamais compromise en ces luttes sanglantes.

Comme classificateur, Lamarck laissera dans la science un nom comparable à ceux de Linné, de Cuvier et de Jussieu. C’est lui qui en 1794 établit[2] la division fondamentale des animaux en deux embranchemens, les vertébrés et les invertébrés. Plus tard, en 1799, il sépara[3] les crustacés des autres animaux articulés, avec lesquels ils étaient confondus. En 1800, il distingua les arachnides

  1. Tome Ier, p. 113.
  2. Tome Ier p. 130.
  3. Tome Ier p. 176.