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par des poumons. Blumenbach avait déjà vu le même fait sur le crapaud pipa de Surinam. Ces métamorphoses, accomplies tantôt hors de l’œuf, tantôt dans l’œuf même, nous éclairent sur les métamorphoses des animaux supérieurs, qui parcourent dans le sein de leur mère les différentes phases de leur développement sériai à partir d’une classe d’animaux inférieure à celle dont ils font partie.

Tous les vertébrés aquatiques, à quelque classe qu’ils appartiennent, ont le corps allongé, cylindrique ou aplati latéralement, et des membres terminés par des extrémités en forme de nageoires. Dans certains poissons, les gymnotes, les carapes, les donzelles (ophidium), et dans les cétacés, les membres postérieurs manquent, et dans les poissons du genre des anguilles et des pétromyzons ils avortent tous ; mais, si nous voulons apprécier l’influence de l’eau, nous ne devons pas considérer des animaux complètement aquatiques tels que les cétacés ou les poissons chez lesquels une hérédité prolongée a fixé l’organisation adaptée à ce milieu ; nous devons étudier comparativement des animaux appartenant à une classe où les uns sont terrestres, les autres amphibies ou aquatiques, telles que les autres mammifères, les oiseaux, les reptiles, les mollusques et les insectes.

Il existe dans l’ordre des mammifères carnassiers un groupe de petits animaux, parfaitement naturel, connu sous le nom d’animaux vermiformes : il comprend la marte commune (mustela martes), la fouine, le putois, la belette, etc. La marte commune, effroi des poulaillers européens depuis la Méditerranée jusqu’à l’Océan-Glacial, est un animal essentiellement terrestre ; dans ce même genre se rencontre pourtant une forme aquatique tellement voisine, que Linné, Cuvier et beaucoup d’autres zoologistes la considéraient comme une espèce da genre marte ; c’est la loutre d’Europe, dont la distribution géographique est la même que celle de la marte. La loutre en effet est une marte amphibie qui se nourrit de poissons, de grenouilles, d’écrevisses, tandis que sa congénère mange les poules, les perdreaux et les petits lapins. Les deux animaux se ressemblent prodigieusement : la dentition est la même ainsi que le pelage ; tous deux, bas sur jambes, ont des membres terminés par des doigts armés d’ongles crochus ; mais, la loutre cherchant sa proie dans les eaux, ce nouveau milieu a imprimé à son organisation des différences peu apparentes à l’extérieur et néanmoins très réelles. Ainsi les doigts, libres dans la marte, sont unis par des membranes dans la loutre. La queue, au lieu d’être cylindrique, est aplatie de haut en bas comme celle d’un castor, et dans le ventre un grand sinus veineux permet au sang de s’y accumuler lorsque l’animal, plongeant sous l’eau, suspend sa respiration pendant