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l’homme, comme aux époques féodales, reste attaché à la glèbe. Nous sommes loin du XVIIIe siècle, où Montesquieu définissait le droit de conquête « un droit nécessaire, légitime et malheureux, qui laisse toujours à payer une dette immense pour s’acquitter envers la nature humaine. »

Tous les traités de paix contiennent une clause d’amnistie, consécration de cette loi d’oubli destinée à ne rien laisser survivre, autant que possible, des vengeances et des rancunes du passé. Les protocoles de Francfort attestent les vains efforts tentés par nos plénipotentiaires pour donner à cette clause l’extension qu’elle comportait naturellement. Le traité de paix du 10 mai avait stipulé seulement qu’aucun habitant des territoires cédés ne pourrait être inquiété à raison de ses actes pendant la guerre. Le gouvernement français voulait étendre, comme cela se fait d’ordinaire, le bénéfice de cette clause à toutes les condamnations prononcées antérieurement à la paix pour des faits autres que des crimes communs. Cette proposition avait d’abord été acceptée par les Allemands, mais avec ce sous-entendu, qu’elle aurait pour effet d’étendre l’amnistie aux Français compromis pendant la guerre pour des actes de connivence avec les autorités allemandes. Les débats qui se sont déroulés depuis deux ans devant les cours d’assises de plusieurs de nos départemens ont malheureusement démontré qu’un nombre, hélas ! trop grand, de nos compatriotes, qui n’avaient pas eu honte de se mettre au service de l’ennemi, auraient été appelés à bénéficier de cette clause. Nos plénipotentiaires, nous les en louons, ont cru devoir repousser cet article, et les plénipotentiaires allemands se sont alors renfermés dans le cercle étroit de l’article 2 du traité de paix. Ainsi s’explique pourquoi nos prisonniers de guerre et nos otages internés en Allemagne y sont restés détenus bien après la conclusion définitive de la paix. Il aurait fallu acheter leur liberté, cette liberté que la paix leur donnait de plein droit, au prix de la tolérance et du pardon pour les crimes des misérables qui pendant la guerre avaient pu oublier qu’ils étaient Français. On n’a pas été plus heureux pour les contributions forcées et les atteintes à la propriété autres que celles provenant des nécessités de guerre qui ont été prélevées ou commises pendant la guerre et même après la signature des préliminaires de la paix. Ces réclamations, plusieurs fois reprises dans le cours des conférences, ont été constamment repoussées par les commissaires allemands.

Passons rapidement sur cette triste partie du Recueil qui contient le texte des capitulations militaires et des avis du conseil d’enquête. Voici les lois, et actes relatifs à l’Alsace-Lorraine et à la reconstitution de ses membres épars, la suppression de la cour de Metz, les concessions de terres en Algérie aux émigrans des territoires cédés, la formation du nouveau département de Meurthe-et-Moselle, la réfection des circonscriptions administratives, toute la série des lois qui ont suspendu ou modifié les effets des contrats et des obligations, les échéances, les concordats amiables, les loyers, les procédures de saisie, les prescriptions,