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laquelle ils communiquent des propriétés antiseptiques utilisées de temps immémorial. On a découvert dernièrement d’autres substances non moins remarquables par l’énergie antifermentescible et antivirulente. De ce nombre sont les sulfites et hyposulfites alcalins, qui ont fait l’objet de recherches très intéressantes de la part d’un médecin italien, M. Polli, les borates et silicates de potasse et de soude, sur lesquels M. Dumas appelait, l’année dernière, l’attention des physiologistes, l’acétate de potasse, etc. Jusqu’ici, on n’étudiait l’énergie physiologique des principes actifs que sur les animaux d’un rang supérieur ; M. Dumas a fait voir tout l’intérêt qu’il y aurait à examiner l’influence qu’ils exercent sur les organismes inférieurs chargés d’élaborer les fermens et sur les fermens eux-mêmes. De telles recherches non-seulement contribuent à mieux faire connaître le mécanisme même suivant lequel ces principes modifient le système des phénomènes vitaux, mais encore procurent les indications les plus utiles pour la thérapeutique. En effet, à partir du moment où M. Dumas et d’autres chimistes ont fait connaître le résultat de leurs investigations à ce sujet, moment qui a coïncidé d’ailleurs avec les expériences de M. Davaine sur la septicémie, un vaste ensemble d’essais a été institué, dans les hôpitaux et dans les laboratoires, pour reconnaître dans quelles me, sures ces substances antifermentescibles entravent les fermentations morbides. Ces essais sont en voie d’exécution, Nous n’y pouvons pas insister ; mais on est autorisé à dire dès maintenant qu’ils ne seront pas stériles pour l’art de guérir. Ici, comme dans tous les autres départemens de l’activité scientifique, on voit les études abstraites aboutir à des découvertes utiles.

En définitive, tout cet immense ouvrage des fermentations, des putréfactions et des corruptions de la matière organique est accompli dans le monde par un petit nombre d’espèces de cellules et de filamens microscopiques, par des champignons et des algues de l’ordre le plus infime, dont les germes remplissent notre atmosphère. C’est là une des plus solides acquisitions de la science moderne, une des plus importantes au point de vue ; de la philosophie de la nature, une des plus fécondes pour les arts qui se préoccupent d’améliorer la condition humaine. On peut la regarder aujourd’hui comme définitivement établie ; n’oublions pas que cet établissement a coûté deux siècles de recherches et d’efforts. Leuwenhoek, le premier, au milieu du XVIIe siècle, révéla le monde microscopique des airs et en pressentit le rôle considérable. Que de pénibles labeurs, que de luttes, que de longues épreuves, depuis les observations du micrographe hollandais, jusqu’aux expérimentations de notre compatriote et contemporain M. Pasteur !


FERNAND PAPILLON.