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ayant déjà subi une certaine évolution, acquiert la précision, la certitude et la solidité qu’une longue expérience peut seule lui conférer. Il faut qu’une conception ait déjà un certain âge dans la science pour y prendre une certaine autorité, et procurer de la gloire à ceux qui en comprennent et en font comprendre toute la grandeur et toute la vertu. Depuis longtemps la circulation du sang était entrevue dans les écoles de physiologie quand Harvey la démontra avec une complète rigueur. Depuis longtemps la gravitation était pressentie et cherchée quand Newton en donna le système parfait. De même la conception panspermiste, délaissée et méconnue depuis ceux qui la formulèrent jadis, — et parmi lesquels Astier (1813) doit être surtout rappelé, — n’a été établie définitivement de nos jours que grâce aux expérimentations de M. Pasteur.

Les expériences de M. Pasteur, multipliées et variées de mille manières, se ramènent toutes à rechercher comparativement ce que devient un même liquide fermentescible au contact de l’air ordinaire, rempli de poussières, et au contact de l’air purifié. M. Pasteur place par exemple une certaine quantité d’un liquide éminemment altérable dans des ballons de verre à l’intérieur desquels on peut faire passer un courant d’air. La fermentation et le développement de petits organismes ne tardent pas d’avoir lieu dans les ballons où circule de l’air ordinaire ; mais si l’air qu’on y dirige a préalablement traversé un tampon de coton, on n’observe aucune altération du liquide. Lorsque le volume d’air qu’on a filtré ainsi à travers le coton est considérable, celui-ci est imprégné de tant de poussières qu’il en devient noir. Or ces poussières contiennent, outre un grand nombre de particules minérales et de détritus variés, des spores et des germes à fermens ; la preuve, c’est qu’il suffit d’en semer la moindre quantité dans la liqueur pure pour y déterminer la fermentation. Voici une expérience d’un autre type. M. Pasteur, au moyen d’une disposition ingénieuse, retire et fait arriver, dans une ampoule de verre remplie d’air pur, le jus de l’intérieur d’un grain de raisin, de façon que ce jus ne communique durant la manipulation ni avec la surface du grain, ni avec l’air atmosphérique. Le jus ainsi obtenu n’éprouve pas trace de fermentation ; il reste inaltéré tant que l’ampoule est fermée ; mais, si l’on vient à ouvrir celle-ci ou à en mélanger le contenu avec quelques gouttes d’eau ayant servi à laver l’extérieur du grain, la fermentation s’y établit immédiatement. C’est que la surface des grains de raisin est toujours recouverte de germes de levure, alors même que les grappes ont été soumises à l’action de pluies persistantes. Ici donc la fermentation est due manifestement aux germes en suspension dans l’air ou déposés à la surface des grains et du bois de la grappe. M. Pasteur extrait par un procédé analogue du sang des veines d’un animal, et l’introduit