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animaux. Il est même probable qu’il y a dans les mycodermes un principe analogue à l’hémoglobine du globule sanguin et doué d’une affinité particulière pour l’oxygène[1]. Quoi qu’il en soit, les rapprochemens de ce genre ouvrent une voie nouvelle à la physiologie. Comme celle-ci se ramène en définitive à l’explication de ce qui a lieu dans les élémens microscopiques des organes, il est évident que rien ne lui saurait être plus salutaire que l’étude de ces organismes uni-cellulaires, où les phénomènes sont d’une simplicité extrême, où la vie est réduite en quelque sorte à ses facteurs premiers. Il est de plus en plus manifeste que le progrès de la connaissance des animaux supérieurs est étroitement lié à celui de la connaissance des mécanismes nutritifs dans les unités rudimentaires de la vie, dans les plus petits êtres qu’il nous soit donné de contempler.


II

D’où viennent maintenant ces corpuscules organisés microscopiques auxquels nous avons vu qu’il fallait attribuer un grand nombre de métamorphoses de la matière organique ? Les opinions sont encore aujourd’hui partagées sur ce grand problème. Ni les observations longues, ni les expériences minutieuses, ni les débats approfondis, n’ont manqué. Cependant les uns croient toujours que ces corpuscules naissent par génération spontanée au sein des liquides. fermentescibles, les autres affirment et prétendent démontrer qu’ils viennent de germes contenus dans l’air. Assurément la première opinion n’a en soi rien de contradictoire et d’impossible. Ceux qui la repoussent par la question préalable, au nom de je ne sais quelle doctrine mystique de la vie, ne méritent même pas d’être écoutés dans l’enquête. Il aurait pu se faire que des êtres organisas naquissent de toutes pièces dans un milieu destitué d’organisation ; mais l’expérience prouve que cela ne se fait pas. Il faut donc recevoir l’autre opinion, l’opinion panspermiste, c’est-à-dire admettre.que les germes des végétaux et animaux microscopiques, auxquels sont liés tant de fermentations et de corruptions, existent dans l’air. C’est une des conclusions et peut-être la plus légitime et la plus féconde des belles études de M. Pasteur.

M. Pasteur en a la gloire justement parce qu’il n’en a pas la priorité. En effet le premier qui a eu cette idée n’en a pu avoir et n’en a eu qu’une confuse intuition ; il n’en a pu mesurer ni l’importance ni les conséquences. L’importance et les conséquences d’une grande idée, quelle qu’elle soit, n’apparaissent que quand celle-ci,

  1. Il serait aisé de vérifier si les mycodermes acétiques se comportent comme les globules de sang, soit en présence de l’oxyde de carbone, soit avec le spectroscope.