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Quand le lait tourne et s’aigrit, le phénomène est dû aussi à la formation d’un acide, l’acide lactique. Ce corps provient du dédoublement du sucre contenu dans le lait, et ce dédoublement est encore une fermentation. L’être microscopique qui la provoque affecte plusieurs formes ; tantôt il est constitué par des cellules qui présentent beaucoup d’analogie avec la levure de bière, tantôt il consiste en bâtonnets droits extrêmement ténus. Le lait renferme en outre du caséum, c’est-à-dire la substance qui compose le fromage. Or, lorsque, dans le lait, la fermentation du sucre est terminée, celle du caséum commence. Après l’acide lactique, il se produit de l’acide butyrique. En examinant au microscope le caséum qui se transforme en acide butyrique, on y remarque de petits bâtonnets dont la largeur est de deux millièmes de millimètre, et la longueur de deux à cinq fois plus grande ; c’est le ferment butyrique, lequel, concurremment avec d’autres végétaux microscopiques, détermine, dans les divers fromages, la production lente de l’acide butyrique et de quelques acides analogues, non moins odorans. Enfin, pour citer un dernier exemple, lorsque l’urine se décompose et donne lieu à un abondant dégagement de gaz ammoniacaux, cela résulte encore d’une fermentation : sous l’influence de cellules plus petites que celles de la levure de bière, l’urée contenue dans l’urine se transforme en carbonate d’ammoniaque, qui rend le liquide très alcalin et lui communique une odeur très forte. Bref, les fermentations que nous venons de caractériser, et bien d’autres du même genre, sont solidaires de la nutrition et du développement d’êtres microscopiques, dont la dimension moyenne est de quelques millièmes de millimètre, et qui se présentent sous la forme tantôt de globules sphéroïdes ou ovoïdes (mycodermes, torulacées), tantôt sous la forme de bâtonnets droits, incurvés ou flexueux (vibrions, bactéries). Ces petits êtres engendrent le ferment au sein même du liquide fermentescible au fur et à mesure qu’ils s’y multiplient.

Il est une autre classe de fermentations où l’on ne constate point d’intervention immédiate de corpuscules figurés. Ainsi la fermentation diastasique consiste dans la transformation de l’amidon en sucre sous l’influence d’une matière amorphe, jaunâtre, qu’on appelle la diastase. La fermentation amygdalique est celle où l’amygdaline devient de l’essence d’amandes amères par l’effet d’un ferment analogue qu’on appelle la synaptase. La première s’accomplit dans l’embryon végétal lorsque la matière amylacée de la graine y est changée en un sucre soluble qui imprègne les tissus naissans de la plante. La seconde a lieu lorsqu’on broie des amandes amères avec de l’eau. Au contact de ce liquide, le mélange de ces graines inodores acquiert l’odeur caractéristique de l’essence d’amandes