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402 kilomètres que doit avoir ce dernier, 120 sont construits et en état d’irriguer par des canaux secondaires environ 36,000 hectares de terre. Ces travaux avaient été commencés par une compagnie dans l’espoir que les concessions d’eau faites aux cultivateurs donneraient de grands bénéfices ; il n’en a pas été ainsi, parce que ces concessions étaient d’un prix trop élevé, et que les Indiens, peu prévoyans, hésitent à faire à l’avance des sacrifices pour se mettre à l’abri des sécheresses. Le gouvernement a donc pris à son compte les travaux exécutés et en a ouvert de nouveaux. Il a déjà dépensé pour cela 32 millions de francs. — La troisième série de travaux doit avoir pour objet de faciliter l’accès de la province aux produits du dehors pour atténuer les conséquences des mauvaises récoltes. Les rivières envasées ne sont plus navigables ; les côtes sont inabordables pendant les six mois de la mousson d’été, et, comme le vent commence à souffler avant qu’on ait pu se rendre compte de l’état des récoltes, la malheureuse province, en cas d’insuffisance, reste abandonnée à elle-même, séparée du reste du monde comme un navire désemparé et sans provisions au milieu de l’océan. Dans le Bengale, des routes et des chemins de fer peuvent, s’il survient une famine, apporter des denrées de tous les points de l’Inde ; mais pour Orissa c’est chose impossible, et les ressources qui pourraient venir du dehors font défaut. Il importe, pour rompre cet isolement, de mettre les rivières d’Orissa en communication avec celles du Bengale, de créer des chemins de fer, surtout de creuser de nouveaux ports qui, à l’abri des moussons, soient accessibles pendant toute l’année.

Tous ces travaux coûtent cher, et ne peuvent être entrepris que si les habitans consentent à payer la plus-value qui en résultera pour leurs terres ; autrement il faudra obérer le trésor d’une somme de plus de 50 millions de francs. Le gouvernement britannique faillirait à son titre de gouvernement civilisé, s’il restait inerte devant des catastrophes qui font périr d’un seul coup plusieurs centaines de mille hommes ; d’un autre côté, il ne peut entreprendre les travaux nécessaires pour les prévenir sans s’imposer d’énormes sacrifices. C’est un des nombreux problèmes qui dans l’Inde se posent à l’administration anglaise, et dont la solution est encore à trouver.


II

Les plus anciens documens parlent d’Orissa comme d’un royaume maritime s’étendant de l’embouchure du Gange à celle du Krishna. C’était une bande de côtes, séparée de l’Inde proprement dite par une barrière de montagnes et de forêts. Moitié boue, moitié eau,