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D’après ce philosophe, le germe contiendrait déjà en miniature l’animal entier, et le développement ne serait qu’accroissement et grossissement. Or, dire que l’œuf est l’animal en puissance, n’est-ce pas dire à peu près la même chose, sous une autre forme ? Et comment serait-il virtuellement l’animal entier, s’il n’en contenait pas déjà une certaine préformation ? Mais l’expérience, selon M. Robin, est absolument contraire à toutes ces hypothèses. Le germe, vu au microscope le plus grossissant, ne présente aucune apparence d’un organisme formé : bien plus, au premier degré de leur évolution, tous les germes sont absolument identiques, et il n’y a aucune différence entre celui de l’homme et celui des animaux les plus bas placés dans l’échelle. Enfin dans l’hypothèse de la préformation ou dans celle de l’organisme en puissance, tous les organes devraient apparaître en même temps, tandis que l’expérience nous fait voir les organes se formant pièce à pièce par une addition extérieure, et naissant l’un après l’autre. Telle est la doctrine de l’épigénèse acceptée aujourd’hui par l’embryologie et qui a définitivement fait disparaître celle de la préformation. S’il en est ainsi, ce n’est pas le tout qui précède les parties, ce sont les parties qui précèdent le tout ; le tout ou l’organisme n’est pas une cause, il n’est qu’un effet. Que devient l’hypothèse de Kant, de Cuvier, de Müller, de Burdach, qui tous s’accordent à supposer que dans l’organisme les élémens sont commandés, conditionnés, déterminés par l’ensemble ? Que devient l’idée créatrice, directrice, de M. Claude Bernard ? Cette hypothèse est encore réfutée par ce fait, que les déviations du germe primitif, déviations qui produisent les monstruosités, les difformités, les maladies congéniales, sont. presque aussi nombreuses que les formations normales, et, suivant l’expression énergique de M. Robin, « le germe oscille entre les monstruosités et la mort. » Enfin les monstruosités elles-mêmes sont des productions vitales qui naissent, se développent et vivent tout aussi bien que les êtres normaux, de sorte que, si l’on admet les causes finales, il faudrait admettre « que le germe contient en puissance aussi rigoureusement le monstre que l’être le plus parfait. »

Ce sont là de sérieuses considérations, toutefois elles ne sont pas décisives. Pour que je puisse dire en effet qu’une maison est une œuvre d’art, il n’est nullement nécessaire que la première pierre, la pierre fondamentale, soit elle-même une maison en miniature, que l’édifice entier soit préformé dans la première de ses parties. Il n’est pas nécessaire davantage que cette première pierre contienne la maison tout entière en puissance, c’est-à-dire qu’elle soit habitée par une sorte d’architecte invisible qui de ce premier point