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l’influence de l’université en détruisant les académies de province pour constituer un rectorat départemental dont les 89 titulaires n’avaient qu’une importance administrative presque infime. Par la loi de 1854, il rétablit 16 académies provinciales et en plaça les recteurs dans une situation élevée qui leur permit de marcher de pair avec les autres agens supérieurs de l’autorité. Les préfets, les procureurs-généraux, les évêques, se plaignirent ; le ministre ne se laissa pas émouvoir, et maintint la haute position qu’il avait faite aux fonctionnaires qui représentaient l’université. On accusa M. Fortoul d’avoir porté préjudice à ces lettres classiques qui jusqu’à présent sont le fond même de l’éducation française ; je voudrais que ceux qui témoignent ainsi contre lui pussent lire l’Instruction générale sur l’exécution du plan d’étude des lycées du 15 novembre 1854. C’est un cours complet de pédagogie, à la rédaction duquel ont contribué les plus hauts personnages de l’enseignement ; si cette instruction avait été suivie, les humanités et les sciences n’auraient plus rien laissé à désirer.

Aujourd’hui, avec d’autres formules et par d’autres moyens, le ministre de l’instruction publique reprend les idées de M. Fortoul. J’ai bien peur que la circulaire du 27 septembre 1872 n’ait le sort de l’instruction du 15 novembre 1854. Il faut peut-être une nouvelle génération pour qu’une révolution sérieuse et féconde soit accomplie dans l’enseignement secondaire. Cette circulaire a soulevé bien des animosités. Dès qu’elle eut paru, un évêque qui doit beaucoup à ses succès pédagogiques déclara dans une lettre publique qu’il fallait a n’en tenir aucun compte. » Il y a là un désarroi, je le répète, dont l’enseignement a cruellement à souffrir et qui, pendant de longues années, peut lui causer un mal irréparable. Il est inutile d’analyser cette circulaire ; elle est connue, tous les journaux s’en sont occupés, et la tribune de l’assemblée en a violemment retenti. Elle poursuit le but que M. Fortoul avait tenté de toucher ; elle ne laisse pas aux élèves la liberté de bifurquer, mais, en décidant que nul ne pourra passer d’une classe inférieure dans une classe supérieure sans avoir subi un examen d’aptitude, elle arrive naturellement au même résultat, car l’effet de cette mesure, si toutefois elle est appliquée, — ce qui est douteux, — sera de rejeter hors des humanités les enfans pour lesquels elles n’ont point d’attrait et de les pousser vers les sciences, où peut-être ils rencontreront une voie qu’ils chercheraient en vain ailleurs. De ceci, on n’a trop rien dit, peut-être parce qu’on n’a pas vu jusqu’où s’étendaient les conséquences des prémisses ; mais la circulaire supprime les vers latins, et il n’y a pas assez d’anathèmes contre le ministre qui ose porter la main