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l’ennuie, on cause avec lui, on l’interroge, on le met tout doucement sur la voie des réponses, on excite son jeune esprit à la recherche, au raisonnement, on le force, pour ainsi dire, à faire constamment des découvertes personnelles dont il est très fier, qui l’encouragent et lui prouvent qu’avec de la réflexion on parvient à dénouer bien des difficultés.

Il y a dans les apocryphes, au chapitre XLVIII de l’Êvangile de l’enfance, un passage qu’il est bon de citer, car il renferme une méthode complète d’enseignement. Jésus veut aller à l’école, on l’y conduit. « Quand le maître vit Jésus, il écrivit un alphabet et lui dit de prononcer Aleph ; quand il l’eut fait, il lui dit de prononcer Beth. Le seigneur Jésus lui dit : Dis-moi d’abord quelle est la signification d’Aleph, et alors je prononcerai Beth. » C’est là en effet l’élément même de l’instruction : expliquer à l’enfant ce qu’il est en train d’apprendre, et s’assurer qu’il a bien compris avant de passer à une autre démonstration. Pour parvenir à ce but, les classes, les études de nos lycées, devraient être des sortes de conférences où le professeur, le maître d’étude, les élèves, toujours en communication, en conversation, tiendraient sans cesse les esprits en alerte, et éclairciraient ensemble les points obscurs de toutes les matières enseignées. Loin de fatiguer les écoliers, on les reposerait de la crèche discipline, de l’uniformité de la vie de caserne, par ces exercices intellectuels combinés de manière à ne faire entrer dans la mémoire que ce qui aurait déjà passé par le raisonnement. Ce qu’un enfant a raisonné, il le retient, et plus tard, devenu homme, il s’en souvient encore.

Une autre cause a eu sur l’enseignement secondaire une influence désastreuse, c’est ce que l’on appelle le concours général. Tous les ans, les différens lycées de Paris envoient leurs élèves les plus forts à la Sorbonne ; là ils composent ensemble, et les plus habiles reçoivent des prix dans une cérémonie solennelle, publique, qui s’ouvre invariablement par un discours latin dont la rédaction est confiée à un professeur de rhétorique. L’origine de cet usage mérite d’être rapportée. Un ancien chanoine de Notre-Dame de Paris, nommé Louis Legendre, mort en 1733, fit donation au chapitre d’une somme dont la rente devait être employée à donner tous les quatre ans des prix aux écoliers auteurs des meilleures pièces de vers latins et français ; dans le cas où le chapitre n’accepterait pas, les cordeliers de Paris devaient lui être substitués. Le chapitre et les cordeliers refusèrent, et le testament fut attaqué par des collatéraux ; le parlement débouta ceux-ci et accorda la jouissance du legs à l’université, qui fut chargée d’exécuter les volontés du