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Ce système d’éducation sembla une merveille dans un pays où le « pour paraître » du baron de Fœneste a toujours été le mot d’ordre le mieux obéi. Par ce moyen, les professeurs et les élèves trouvent leur besogne toute mâchée dans les livres et dans une série de dictionnaires qui excellent à résoudre les difficultés. Ce mode d’enseigner fut imposé à l’université ; il a prévalu, il prévaut encore. En définitive, c’est l’enseignement mécanique et machinal, qui substitue l’action de la mémoire à celle du raisonnement. La grammaire, la syntaxe, l’histoire, le grec, le latin, les sciences exactes même, tout fut « appris par cœur. » La mémoire, surchargée de mots, de règles abstraites, de phrases isolées, de faits dégagés des causes et des conséquences, compte sur elle-même et se fait défaut ; l’enfant auquel on n’a pas enseigné que toute éducation doit avoir pour principe trois termes corrélatifs qui sont attention, comparaison, raisonnement, l’enfant oublie à mesure qu’il apprend, et en général les élèves sortent du collège dans un état d’ignorance qu’on ne soupçonne pas, et que nous aurons à constater en parlant des examens du baccalauréat ès-lettres.

C’est là le vice fondamental de notre enseignement secondaire, il surmène la mémoire et ne développe ni l’esprit, ni l’intelligence. Aussi, au lieu de former des hommes ayant des notions générales et pouvant en tirer les conséquences logiques, il fait des savantasses qui ne savent rien et sont souvent incapables, deux ans après leur sortie des écoles, d’expliquer un vers de Virgile ou de citer une date d’histoire. Si la méthode générale est vicieuse, la méthode particulière appliquée à l’enseignement des différentes facultés que l’enfant doit s’approprier n’est pas meilleure ; est-il croyable que l’on apprenne encore la règle dite du que retranché, c’est-à-dire une règle en vertu de laquelle les Latins supprimaient un vocable qui n’existait pas dans leur langue ?

La conséquence du système adopté est assez singulière ; personne ne fait rien, ni l’élève, ni le maître d’étude, ni le professeur. On sait comment les choses se passent : pendant les classes, le professeur dicte les devoirs à faire et indique les leçons à apprendre ; pendant l’étude, les élèves apprennent leurs leçons et font leurs devoirs. Donc le professeur leur donne à travailler, le maître les regarde travailler, mais en réalité, sauf quelques honorables exceptions, personne ne les fait travailler, ce qui pourtant est le but suprême de l’enseignement. Ah ! combien la méthode usitée dans les écoles primaires est meilleure et plus féconde ! Au lieu de laisser l’enfant en présence d’une dictée maussade, de leçons dont il retient les mots sans en pénétrer le sens, de livres dont la vue seule