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emporter vers le golfe de Cos. Ce fut dans ces parages que la flûte du roi la Bonite la rencontra inopinément le 22 juillet, et la vit venir au mouillage. Le capitaine de la Bonite put ainsi communiquer avec l’amiral turc et juger de plus près les navires que Kara-Ali avait sous ses ordres. « Cette escadre, écrivait-il, est armée en grande partie de Francs. Les bâtimens paraissent en bon état et manœuvrent passablement. » Le lendemain, le même capitaine, se dirigeant vers Samos, tombait au milieu de la flotte grecque. Avertis par les frégates qu’ils tenaient en observation, les Turcs avaient mis précipitamment sous voiles. Les Grecs leur lancèrent en vain quelques brûlots. La brise était fraîche, les vaisseaux ottomans réussirent à les éviter. Pendant que cette escadre inquiète, harcelée, faisait tous ses efforts pour se rapprocher encore une fois des Dardanelles, les navires d’Hydra faisaient route pour Samos.

On évaluait généralement à cent cinquante navires, armés pour la plupart en grands bricks de guerre, les forces navales des insulaires d’Hydra, de Spezzia et d’Ipsara ; mais ces navires, si nombreux qu’ils pussent être, suffisaient à peine à leur tâche. Ils avaient en effet à conteuir la flotte des Dardanelles, à surveiller la division sortie du golfe de Lépante et mouillée à cette heure en face de Corfou, à seconder enfin par un étroit blocus les opérations des divers corps de troupes qui serraient de très près les places du littoral. 30,000 hommes assez mal armés étaient répartis en Morée de la manière suivante : 2,000 observaient Coron, 3,000 autres assiégeaient Modon et Navarin, 4,000 s’étaient réunis devant Patras, 10,000 sur les hauteurs de Tripolitza, 8,000 au pied de l’Acro-Corinthe ; 3,000 Maniotes cernaient Monembasia. On connaît la situation de cette forteresse, qui tour à tour défia, entre les mains des Grecs et des Latins, tant de furieuses attaques. Bâtie sur un îlot escarpé entre le cap Saint-Ange et le golfe d’Argos, un pont la relie à la côte du Magne. Le 2 avril, elle avait servi de refuge aux familles des villages de la Laconie qui avaient pu échapper aux fureurs des Grecs. Ce surcroît d’habitans venait mal à propos, car la forteresse n’était alors approvisionnée que pour un mois. Si le grand-seigneur avait le soin de renouveler à des époques périodiques les vivres de ses places fortes, les gouverneurs avaient la coutume de vendre ces provisions au fur et à mesure qu’on les leur livrait. La faute eût été facilement réparable, si la garnison n’eût été bloquée que par terre ; mais les bricks spezziotes ne tardèrent pas à paraître. Ils revenaient de leur première croisière chargés de butin ; ils avaient capturé des navires barbaresques et des bateaux candiotes, des bâtimens très riches partis de Dulcigno. Déjà trois cents personnes, négocians et matelots, avaient été conduites