remporté la victoire. Le soir vient, la nuit tombe ; il s’agit de faire ouvrir le coffre-fort. Antonin, tout fasciné qu’il est par Césarine, hésite à commettre l’abominable sacrilège ; mais Césarine a employé la ruse, le coffre-fort est ouvert, elle s’empare du manuscrit et le jette à Cantagnac, qui attend sous les fenêtres du cabinet. A la porte apparaît Claude ; il prend un fusil, celui-là même que son élève vient de perfectionner avec tant de succès, il ajuste sa femme et fait feu ; puis, se tournant vers Antonin, et sans plus se soucier du cadavre : « Maintenant, dit-il, viens travailler. »
Nous avons omis dans cette rapide analyse un épisode qui occupe une assez grande partie de la pièce, bien qu’il sort fort peu intelligible et ne se rattache en rien à l’action. Un savant juif, ami d’enfance de Claude Rippert, est venu s’installer chez lui pendant l’absence de Césarine. Sa fille Rébecca l’accompagne, noble vierge perdue dans ses rêves, espèce de madone israélite, dont la gravité douce et la chaste passion forment le plus singulier contraste avec les infamies de Césarine. Elle aime Claude, elle le lui déclare, mais sans permettre qu’il réponde un seul mot à cette déclaration quasi publique et passablement embarrassante, car ce n’est pas du Claude actuel qu’elle veut être la compagne, elle se réserve au Claude futur : elle sera l’épouse de la seconde vie ! Quant au docteur juif, il a médité sérieusement la question des races humaines, et, puisque le XIXe siècle semble reconnaître que les peuples ont le droit de se constituer suivant leurs traditions nationales, il réclame pour tous les Israélites de l’univers une existence territoriale. Il partira le soir même pour l’Orient avec sa fille Rébecca, afin de chercher dans quelles plaines de l’Asie pourra se déployer le nouvel empire qui doit rassembler les tribus dispersées et reconstruire Jérusalem.
Toutes ces choses extraordinaires sont disposées dans le cadre des règles classiques avec une exactitude scrupuleuse. On dirait que l’auteur a voulu expressément s’interdire les libertés de la scène moderne. Boileau a formulé des préceptes qui ne sont pas du tout, comme on sait, les préceptes de l’art antique, dont il se croyait l’interprète fidèle ; M. Alexandre Dumas s’est conformé en toute rigueur aux paroles de Boileau :
- Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli
- Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli.
C’est le matin, au lever du jour, que Césarine rentre dans la maison conjugale ; c’est le soir du même jour, à la clarté de la lune, que Claude la tue d’un coup de fusil. C’est dans le cabinet de l’ingénieur que Césarine nous est présentée au premier acte, c’est dans ce cabinet qu’elle tombe morte à la dernière scène. Tout se passe, tout se prépare et s’accomplit dans cette même pièce, autour de ce coffre-fort où reposent