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peut-être de la guerre civile. La commission des trente propose une apparence de statut ; mais, elle réserve à l’assemblée la plénitude du pouvoir constituant, le droit d’abroger, de réformer ce statut comme toute autre loi, de sorte que la concession est à la merci d’un coup de majorité. Il y a un droit de veto attribué au pouvoir exécutif, seulement ce droit est illusoire dans la plupart des cas, surtout dans les circonstances les plus graves et les plus essentielles. Il y aura une seconde chambre, mais cette seconde chambre, dont le principe seul est admis, dont les conditions d’existence restent à débattre, ne sera constituée et n’entrera en fonctions qu’après l’assemblée actuelle. Quels seront enfin les rapportée M. le président de la république et de l’assemblée ? C’était là évidemment, le point délicat, c’est là que se concentre tout ce qu’on a pu imaginer de mieux en fait de précautions et de subtilités. M. Thiers ne communiquera avec la chambre que par voie de message. Il pourra, cependant comparaître, parler dans la discussion des lois ; seulement alors on ne délibérera pas en sa présence. Il sera sans doute écouté comme un avocat consultant de quelque poids, qui se retirera après sa plaidoirie, sans pouvoir entrer dans un débat, Il pourra aussi être entendu de la même façon quand il y aura des interpellations sur les affaires extérieures. Pour ce qui regarde la politique intérieure, il ne pourra intervenir que si un ministre déclare qu’il s’agit d’un cas de responsabilité pour le président de la république, et si l’assemblée y consent. Voilà donc ce que trente hommes éclairés, travaillant pendant deux mois, ont pu trouver de mieux pour mettre l’assemblée à l’abri des séductions de l’éloquence et pour mettre le premier des parlementaires du temps, devenu chef de l’état, à l’abri des tentations de cette vive et impétueuse nature qui entraîne au combat, partout où il y a un intérêt public en jeu ! Ils veulent faire de M. Thiers une sorte d’otage au pouvoir, un prisonnier de toutes les formalités, qu’ils consentent à honorer, mais qu’ils surveillent pour qu’il ne s’échappe pas. On serait même allé plus loin, si on eût écouté M. Baze, député d’Agen, qui voulait qu’on prît quelques précautions de plus, afin d’empêcher le chef du gouvernement de se servir du veto dans une pensée de coup d’état. Malheureusement pour lui, M. Baze n’a pas été payé de son zèle, et pendant qu’il était occupé à surveiller les pensées de coup d’état chez M. le président de la république, il s’est vu atteint dans son omnipotence de questeur par chambre, qui lui a enlevé brusquement cette distribution de billets d’entrée où il déployait une aménité et une importance faites pour le recommander comme le plus désagréable des officiers de l’assemblée. M. Baze a été sur le point de voir là un signe, des progrès de l’esprit révolutionnaire !

Revenons aux choses sérieuses. On a cru, on a dit un instant que la commission des trente était toute disposée à la conciliation. Elle y re-