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II

Les Peruzzi étaient, avec les Bardi, les Acciajoli, les Bonaccorsi, les Scali et quelques autres, les principaux marchands et banquiers de Florence. Pendant tout le XIIIe siècle et la première moitié du XIVe, ces maisons furent les plus puissantes. La république florentine était alors le premier état de l’Europe. Elle avait des entrées assurées, — les gabelles, analogues à nos octrois, l’impôt sur le revenu, qui plaisait à cette démocratie niveleuse ; — elle soldait tous les ans son budget en crédit, ce que si peu d’états savent faire aujourd’hui. Elle était gouvernée comme Gênes, Pise et les principales républiques marchandes de ce temps, Marseille elle-même, par un podestat étranger nommé tous les ans par le peuple. Il en résultait que le chef de la république restait neutre dans les querelles locales, et ne distribuait point les places à des amis ou à des parens. Au reste, on ne le laissait que très peu de temps aux affaires, et il ne pouvait être réélu.

Les corps de métiers, qui comprenaient la plupart des citoyens, étaient divisés en arts majeurs et en arts mineurs ; nous dirions aujourd’hui les arts libéraux et les arts manuels. Dans les premiers, au nombre de sept, étaient les hommes de loi (juges et notaires), les marchands, les banquiers, les médecins ; dans les seconds, au nombre de quatorze, les bouchers, les maçons, les corroyeurs, les forgerons, etc. Les premiers renfermaient ce que nous nommerions les bourgeois, les seconds les ouvriers. Chaque art avait sa bannière ou gonfalon, distincte de celle de la république, et au premier signal de trouble, au son du tocsin parti du palais du podestat, plus tard de celui de la seigneurie, tous ceux qui appartenaient à un même art devaient accourir en armes, rangés autour de leur bannière. A la tête de chacun des arts se trouvaient deux prieurs élus (priori, premiers). C’étaient des espèces de prud’hommes qui veillaient à ce que les règlemens de l’art fussent strictement observés, jugeaient les différends des membres d’une même corporation. On ne pouvait occuper aucune fonction publique, si l’on n’était inscrit dans un corps de métier. Dante, qui fut prieur de la république et ambassadeur à Rome, s’était fait, dit-on, inscrire dans l’ordre des pharmaciens, appartenant au groupe supérieur. Un noble, un gibelin, admis dans un corps de métier, perdait par là sa noblesse et devait changer de blason ; souvent même il modifiait son nom patronymique ; ainsi le voulait le peuple. Les Tornabuoni s’étaient d’abord appelés