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Calimala[1], du nom de la rue où elle s’exerçait, et aux abords de laquelle on voit encore aujourd’hui des marchands de draps qui étalent leurs montres dans des magasins vieux de sept cents ans. Ces boutiques portaient le nom de fondacci (au singulier fondaco), et chaque compagnie de marchands avait la sienne.

L’art de Calimala allait de pair avec l’art de la laine. Celui-ci avait son centre et le lieu de réunion de ses marchands à Calimala même. Là est une vieille tour massive, crénelée, qu’on appelle l’Archivio de’ contratti, parce qu’on y enregistre les contrats. Sur les faces de cette tour est sculpté le mouton couronné porteur de la bannière à la croix de gueules, enseigne des marchands de laine florentins. Cet écusson est de l’an 1308, comme nous l’apprend l’inscription en écriture gothique gravée au-dessous[2]. C’est dans cette tour que résidaient les prieurs ou consuls de la laine. Dans la rue de Porta-Rossa, où débouche Calimala, se tinrent en 1266[3] les premières réunions des marchands de draps et des podestats de la république, d’où sortirent les règlemens qui régirent les corps de métiers. L’art de la soie s’exerçait dans le voisinage, et l’on voit encore debout l’édifice où siégeaient les consuls qui y présidaient. À côté est la ruelle appelée vicolo della Seta, qui a conservé son nom primitif. Ce quartier jouissait de grands privilèges : on ne pouvait y entrer en armes, on ne pouvait y être poursuivi pour dettes. Ceci montre le cas que faisait la république florentine de ceux qui appartenaient à l’art de la soie. Au-delà de l’Arno est la rue des Velluti, où se fabriquaient les velours. La famille qui la première entreprit cette industrie, où elle s’enrichit considérablement, en tira ce nom de Velluti qu’elle a conservé.

Le change et la banque se faisaient en pleine rue, peut-être via de’ Tavolini, comme qui dirait rue des Comptoirs. Le banquier était assis devant une petite table, banco ou tavolino, sur laquelle était étendu un tapis vert, et avait devant lui un sac d’écus et un livre de compte. Le florin d’or de Florence, frappé en 1252 en souvenir de la bataille de Monteaperti, où le parti guelfe chassa le parti gibelin, était pris comme étalon. C’était et ce fut pendant plusieurs siècles la meilleure monnaie d’Europe ; elle était d’or pur à 24 karats[4]. Le sultan de Tunis, l’ayant vue, en augura si bien du

  1. Calimala, de callis malus, ou mauvaise rue, parce qu’elle menait aux mauvais lieux. Calle, dans le vieil italien comme en espagnol, veut dire rue, passage.
  2. Le millésime est très apparent, sauf le chiffre des dizaines et des unités. Domus curiæ artis lanæ civitatis Florentiæ se lit très distinctement.
  3. Et non en 1256, comme dit une inscription en marbre apposée sur la façade de la maison où ces réunions eurent lieu.
  4. Le florin pesait 72 grains, soit 3 grammes 537 milligrammes d’or pur, lesquels, calculés au taux de 3 francs 44 cent, le gramme, représentent l’équivalent de 12 fr 17 cent, de notre monnaie actuelle. C’est la valeur intrinsèque du florin, mais il ne faut pas oublier que le prix de toutes choses, notamment celui du blé, a triplé et quadruplé depuis le XIIIe siècle.