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ature, elle était à peine fluide au moment de sa sortie, et s’est amoncelée sur l’orifice même dont elle était issue. Quand ces sortes de laves se sont répandues à quelque distance de leur point d’émergence, c’est toujours en coulées volumineuses. Grâce à l’extrême viscosité du liquide imparfait qu’elles constituaient, elles retiennent souvent captives, après leur solidification, les matières volatiles qu’elles ont apportées avec elles. Dans d’autres cas cependant, les gaz et les vapeurs inclus dans la masse fondue triomphent de la résistance que celle-ci leur oppose, et alors ont lieu des explosions d’autant plus formidables qu’elles ont été plus fortement réprimées. C’est dans de telles conditions que se produisent ces immenses projections de ponces et de cendres gris-clair qui couvrent des contrées entières, et dont les vents transportent les parties les plus ténues à plusieurs centaines de lieues. Les laves riches en silice sont généralement rudes au toucher, ce qui tient à ce qu’au moment de leur consolidation elles laissent souvent échapper des myriades de bulles microscopiques de gaz et de vapeurs, et se montrent alors criblées d’une infinité de petites cellules qui rendent la surface âpre et grenue. C’est cette particularité de structure fréquente dans les produits volcaniques de cette catégorie qui leur a valu le nom générique de laves trachytiques (âpres au toucher).

Au contraire, les laves pauvres en silice contiennent beaucoup d’oxyde de fer, de chaux, de magnésie, peu de soude et encore moins de potasse; elles possèdent une couleur foncée, sont très denses et fondent avec facilité. On les désigne sous la dénomination commune de laves basaltiques. En raison de leur fluidité très grande, au lieu de s’entasser sur place quand elles sont rejetées abondamment, elles s’écoulent et descendent le long des pentes sous la forme de longs rubans de feu étroits et minces, ou s’étalent en nappes, si le terrain n’offre qu’une faible déclivité. Lorsque les coulées possèdent une épaisseur de quelques mètres, elles se refroidissent et se solidifient promptement dans leurs parties superficielles, tandis que l’intérieur de la masse conserve d’ordinaire très longtemps sa limpidité. Il se forme donc une sorte de gaîne pierreuse remplie de matière en fusion; mais il est rare que l’étui ainsi engendré possède la solidité suffisante pour garder son intégrité; dans la plupart des cas, il se divise en une mosaïque irrégulière dont les pièces se disjoignent aussitôt par l’effet des mouvemens du liquide sous-jacent. Les fragmens scoriacés qui en résultent sont charriés à la surface du courant incandescent, et se déposent peu à peu sur les flancs, à l’extrémité terminale de la coulée, et s’y entassent en moraines analogues, à certains égards, à celles des glaciers.

Un cas moins fréquent est celui où l’enveloppe solide d’une coulée persiste sans se rompre, et se maintient continue au-dessus du