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coulé en étroits boyaux qui se sont vidés, laissant béans des espèces de tuyaux à enveloppe fendillée. Ici la roche est un amas de cristaux de pyroxène et de péridot de la grosseur du pouce, enchevêtrés dans une pâte amorphe ; là elle présente l’apparence d’une matière noire homogène, constellée d’une multitude de petites étoiles d’un blanc éclatant. Chacun de ces points brillans est un groupement de cristaux de feldspath.

Lorsqu’on trouve plaisir à l’examen minéralogique des pierres que l’on rencontre sous ses pas, on sent beaucoup moins vivement les fatigues du chemin ; aussi, quand j’arrivai vers midi sur la crête du volcan avec mon guide, c’est à peine si j’éprouvais une légère impression de lassitude. Le rebord sur lequel nous étions parvenus forme une enceinte semi-circulaire autour d’un cratère de 200 à 300 mètres de diamètre, au centre duquel s’élève un nouveau cône d’environ 70 mètres de hauteur. Le fond de la dépression est peu accidenté. Les laves s’y sont épanchées et étalées en larges compartimens à surface plane. Quant au cône central, il reproduit, sur une très petite échelle, l’aspect et la composition de la montagne entière ; on y observe des variétés de lave semblables à celles que l’on voit sur les pentes extérieures du mont. La roche qui revêt les flancs de la petite éminence a coulé en traînées flexueuses, qui ressemblent à des serpens allongés de la cime du monticule jusqu’à la base. Au sommet existe un petit cratère d’une dizaine de mètres de diamètre d’où s’échappent de la vapeur d’eau, de l’acide carbonique et de l’hydrogène sulfuré. Trois plantes seulement végètent en ce lieu : une graminée (agrostis vulgaris) qui pousse frileusement dans les interstices des roches, au milieu du dégagement des gaz chauds, — une de nos bruyères communes de France (calluna vulgaris), qui retrouve à cette altitude un climat analogue à celui qui paraît lui être le plus favorable sur le continent, — enfin un thym (thymus micans) dont les touffes, étendues à la surface des roches, se couvrent durant l’été d’un tapis de fleurs roses. Le point culminant du cône est à 2,320 mètres au-dessus du niveau de la mer. De là, lorsque le temps est serein, on domine complètement les trois îles de Pico, Fayal et San-Jorge, on voit très bien Graciosa ; on aperçoit au loin Terceire, et l’on distingue vaguement San-Miguel à l’horizon. Au moment où nous atteignîmes la sommité du pic, la montagne était enveloppée à mi-hauteur d’un épais rideau de nuages blancs amoncelés et mobiles comme des flots agités. Un soleil radieux inondait de lumière cet océan de nuées, ainsi que les rocs grisâtres qui semblaient en émerger. Peu d’instans après notre arrivée, la couche nuageuse s’entr’ouvrit, s’amincit et disparut enfin tout à fait. Je renonce à dépeindre l’impression que