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qu’une de ces fissures étroites dont rien ne dénote extérieurement l’existence.

Quand on est obligé de renoncer aux excursions dans la montagne, on trouve encore près de la côte l’occasion de faire plusieurs explorations intéressantes. Le mont Brazil, vaste cône volcanique qui se dresse à l’entrée du port d’Angra, mérite notamment d’appeler l’attention. Un isthme étroit le rattache à la ville, et donne accès à un chemin fortement incliné qui conduit à une forteresse adossée à la base du mont. On franchit une poterne, et, si l’on continue l’ascension en laissant à gauche les constructions du fort, on arrive sans grande difficulté sur le rebord du cratère. De là, les regards plongent au fond d’une cavité de près d’un kilomètre de diamètre, entourée d’une crête circulaire échancrée seulement vers le sud. Les points culminans de l’enceinte sont à 209 mètres d’altitude. Le fond du cratère présente deux dépressions d’inégale profondeur, comme si le volcan avait eu deux bouches ayant successivement fonctionné. L’une est à 174 mètres d’altitude, l’autre à 45 mètres seulement. Des champs de maïs occupent la partie basse de la concavité; des milliers d’amaryllis garnissent les pentes intérieures et y étalent en automne la splendide parure de leurs innombrables corolles roses. Les sentiers sont sablés de grains vitreux de péridot aux reflets jaune-verdâtre et de cristaux noirs de pyroxène qui scintillent au soleil. Ce riche jardin, dont la nature fait tous les frais, est parfois visité par un ennemi redoutable : des bandes de sauterelles viennent inopinément s’y abattre. Amenées du littoral africain par les vents du sud-est, elles prennent terre sur ce promontoire avancé et y portent la dévastation, quelquefois sans se montrer dans la banlieue, pourtant si rapprochée, de la ville d’Angra.

Sur les parties élevées du rebord du cratère, la roche est nue, et montre à découvert la structure intime de l’éminence. Le mont Brazil est le produit d’une gigantesque éruption sous-marine : le cataclysme auquel il doit sa naissance s’est produit au sein des flots; les matières incandescentes vomies par le volcan ont été projetées au dehors mélangées avec les débris du sol existant, avec les sables, avec les coquilles du fond de la mer. Tous ces matériaux délayés et pétris ensemble ont formé en retombant une sorte de bouillie aqueuse, qui s’est entassée couches par couches autour de son point d’émission, s’y est desséchée, solidifiée avec le temps et transformée en un tuf assez compacte pour pouvoir maintenant fournir d’excellens matériaux de construction. La montagne est à pic de tous côtés vers la mer; les vagues la battent avec fureur pendant les violens ouragans de l’hiver et en détachent chaque année de volumineux fragmens. A partir du niveau de la mer et jusqu’à la