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rapide. La même décroissance se remarque d’ailleurs dans le nombre des condamnations à l’emprisonnement. Aussi M. Bruce, ministre de l’intérieur, disait-il le 16 février 1872, devant la chambre des communes, que « la législation contre les criminels de profession avait eu un effet décisif et presque inattendu sur le nombre des récidives. » Et le 7 juillet, en présence des membres du congrès pénitentiaire M. Bruce portait sur les progrès accomplis en Angleterre depuis quelques années un jugement non moins formel. « Je me réjouis, disait-il, de ce que la convocation de ce congrès ne répond à aucune augmentation en Angleterre du nombre des condamnés, ni à aucune inquiétude en ce qui concerne le traitement à infliger aux criminels en ce pays. Nous devons non-seulement nous féliciter, mais être profondément reconnaissans de ce que, malgré tant de causes contraires, le crime a diminué d’une façon si extraordinaire : on eût pu craindre que l’abolition de la transportation ne rejetât la plupart des malfaiteurs dans leurs anciennes habitudes ; il en a été tout autrement. Ce résultat est dû d’abord aux travaux des hommes de bien qui ont établi partout des écoles correctionnelles, des écoles industrielles, des sociétés de patronage, à la diffusion de l’instruction, à l’extension de l’émigration, mais aussi dans une large mesure à l’amélioration du système de la police et du système des prisons en Angleterre. »

On s’est attaché dans le cours de cette étude à ne comparer l’Angleterre qu’à elle-même ; un système pénitentiaire, comme toutes les autres institutions, n’a en effet qu’une valeur toute relative et ne peut être complètement jugé que dans ses rapports avec les conditions particulières du pays qui en a fait une longue expérience. Il ne s’agit pas d’introduire tout d’une pièce dans nos lois soit le régime pénal de l’Angleterre ou de l’Irlande, soit celui de toute autre nation voisine : c’est aux expériences faites dans notre propre pays que nous devrons surtout demander la solution des graves problèmes qui s’imposent en ce moment à l’attention du législateur ; mais il n’est pas interdit de signaler d’un mot en terminant ce qui dans le système anglais nous paraîtrait pouvoir être le plus facilement imité. Ce serait d’abord la simplicité du droit pénal, qui ne reconnaît au-dessus de l’emprisonnement et au-dessous de la mort qu’une seule peine, puis l’organisation des grands ateliers publics de Portland, de Portsmouth et de Chatham, et par-dessus tout le système de libération provisoire soumis à des règles fixes empreintes d’une profonde sagesse et soutenu par l’heureuse et nécessaire combinaison du patronage et de la surveillance.


ALEXANDRE RIBOT