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elle possède aujourd’hui six galeries à quatre étages et renferme 1,026 cellules. Chacune de ces cellules a coûté en 1842 une somme de 1,960 francs, en 1865 seulement 1,770 francs, et en 1870 moitié moins, c’est-à-dire 885 francs. On assure que cette économie est due à l’emploi du travail des condamnés. Ce sont eux qui ont tout fait, cuit et posé les briques, extrait les pierres, élevé les charpentes, fondu et forgé les pièces de fer. Depuis quelques années, le gouvernement a construit, toujours à l’aide du seul travail des prisonniers, 1,889 cellules qui lui ont coûté 2,325,000 francs, mais qui, exécutées par des entrepreneurs ordinaires, auraient, d’après les calculs du gouvernement, entraîné une dépense pour le trésor de 4,120,000 francs.

Pendant les neuf mois qu’ils passent à Pentonville, les condamnés sont soumis au travail dans leurs cellules ; les uns font des souliers, d’autres des habits, d’autres, qui ne savent aucun métier, confectionnent des paillassons de crin ; c’est pour le compte de l’état et non pour le compte d’un entrepreneur que se fait tout le travail. On évalue le produit annuel de l’industrie de chaque condamné à environ 400 francs. La journée de travail n’est que de neuf heures ; les détenus se lèvent à six heures du matin et se couchent à neuf heures du soir ; on leur accorde deux heures pour leur repas et trois quarts d’heure le soir dans leur cellule pour la lecture. Ils passent en outre une demi-heure à la chapelle, et une heure est consacrée à une promenade gymnastique pendant laquelle les prisonniers se voient, mais ne peuvent échanger aucune parole. Ce qui frappe, c’est la jeunesse de la plupart de ces prisonniers ; sur 597 qui se trouvaient dans la prison le 31 décembre 1870, 241, soit 40 pour 100, avaient moins de vingt-cinq ans. On s’occupe d’apprendre à lire et à écrire à ceux qui n’ont reçu aucune éducation : cinq maîtres d’école sont attachés à la prison. Pour stimuler le zèle des prisonniers, le règlement veut qu’après un certain temps ils ne puissent envoyer aucune lettre à leur famille, si elle n’est écrite entièrement de leur main.

A leur sortie de Pentonville ou de Milbank, les condamnés qui paraissent en état de supporter de rudes fatigues en plein air sont envoyés à Portland, à Portsmouth ou à Chatham. Les autres, et ils sont assez nombreux (environ un cinquième), sont dirigés vers les prisons de Parkhurst, de Dartmoor, de Woking, de Brixton, où ils sont employés à des travaux intérieurs moins pénibles. Dans son rapport à l’Académie des Sciences morales, en 1853, M. Bérenger a décrit le régime auquel sont soumis les condamnés dans la presqu’île de Portland. Le gouvernement anglais avait résolu en 1848 de construire une digue gigantesque, destinée à protéger la rade de Portland et à faire un bassin pouvant servir de refuge à toute la