Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/533

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des tickets of leave. « L’expérience, disait ce dernier comité, a montré qu’on ne peut forcer les condamnés au travail par la seule contrainte ; on ne fait ainsi qu’augmenter leur aversion pour le travail et on achève de les endurcir… L’espoir d’une réduction de peine est, pour les condamnés, le stimulant le plus énergique de la bonne conduite et de l’application. » Pour permettre au gouvernement d’étendre le principe de la libération provisoire aux condamnes à la servitude pénale, le parlement prit le parti en 1857 de supprimer toute différence quant à leur durée nominale et quant à leurs effets entre les condamnations à la servitude pénale et les condamnations à la transportation. Ce dernier mot fut même rayé du vocabulaire de la loi pénale. On introduisit en outre à titre d’essai entre les condamnations à l’emprisonnement, dont la durée la plus longue était de deux ans, et les condamnations à la servitude pénale, dont la durée la plus courte devait être, d’après les anciens règlemens sur la transportation, de sept années au moins, une peine intermédiaire de trois années de servitude légale ; mais on vit bientôt que la libération provisoire appliquée à des peines aussi courtes ne pouvait avoir que de mauvais résultats. L’augmentation rapide qui se produisit, en 1861 et en 1862, dans le nombre des crimes fut attribuée en partie à l’abus des condamnations d’une trop faible durée ; de 2,267 en 1860, le nombre des condamnations à la servitude pénale s’éleva en 1862 à 3,196 en Angleterre. Aussi le terme de trois années de servitude pénale fut-il en 1864 remplacé par le terme de cinq années, qui figure encore aujourd’hui dans l’échelle pénale anglaise, immédiatement au-dessus de celui de deux années d’emprisonnement.

La loi de 1864 fut préparée par un comité qui passa en revue à cette occasion toutes les expériences faites depuis 1853, non-seulement en Angleterre, mais encore en Irlande. Les succès obtenus dans ce dernier pays par le capitaine Crofton avaient vivement frappé l’opinion publique et retenti au-delà même de l’Angleterre, en Europe et aux États-Unis. Ces succès étaient dus en première ligne aux rares qualités d’intelligence et de caractère du nouveau directeur, et aussi à l’influence de plusieurs perfectionnemens apportés par lui dans la pratique du système anglais. En 1854, les prisons irlandaises étaient dans un état de délabrement affreux ; les condamnés entassés dans ces prisons trop étroites, mal nourris, privés de toute discipline morale, avaient si mauvaise réputation, que le gouverneur de l’Australie occidentale refusait de les recevoir. Le premier soin du capitaine Crofton fut de mettre en liberté tous les condamnés à la transportation qui avaient achevé la moitié ou le tiers de leur sentence. Pour l’avenir, la peine fut divisée, comme en Angleterre, en deux périodes : l’une d’emprisonnement