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contre tout envoi de condamnés. Le gouvernement anglais ne put résister aux pétitions presque menaçantes des colons australiens, et en 1852 fut donné l’ordre de suspendre tout départ de condamnés pour l’île de Van-Diemen. La seule colonie qui restât ouverte à la transportation était celle de l’Australie occidentale. Quoique fondée en 1829, cette colonie, moins favorisée que ses aînées par les avantages du sol, ne comptait en 1850 que 5,886 habitans. Ce fut sur la demande des colons eux-mêmes que le gouvernement anglais commença vers cette époque à y envoyer des condamnés. L’espoir des colons n’était pas seulement de se procurer ainsi à bon marché le travail qui leur faisait défaut, ils comptaient surtout profiter des dépenses considérables que le gouvernement serait obligé de faire dans la colonie pour l’établissement et l’entretien des condamnés. Comme le remarquait très justement dans son rapport de 1860 le colonel Henderson, que le gouvernement avait chargé d’installer les premiers transportés, ce qui manque à une colonie naissante, ce sont moins les bras que le capital. Le gouvernement anglais s’empressa d’accepter l’offre qui lui était adressée ; mais, pour éviter un nouvel échec, il résolut de ne négliger aucune des leçons du passé. Si l’on n’envoyait dans la colonie que des condamnés, il était à craindre que, devenus trop nombreux, ils ne se livrassent à des désordres comme à Van-Diemen. Aussi s’efforça-t-on de maintenir une sorte d’équilibre entre la population libre et les condamnés ; chaque navire qui partait d’Angleterre portait un nombre égal de transportés et d’émigrans libres, la plupart anciens soldats à qui le gouvernement donnait le moyen de s’établir dans la colonie. En outre, au lieu de transporter les criminels les plus dangereux, on s’attachait à choisir dans les prisons anglaises ceux qui semblaient les plus résolus à travailler et à vivre honnêtement ; ainsi la transportation était devenue une récompense. Ce nouveau caractère qu’elle avait pris peu à peu ressort de tous les témoignages recueillis dans l’enquête de 1863. On ne comprend guère chez nous le système de la déportation que comme un remède héroïque dont la société se sert contre les malfaiteurs qu’elle désespère de ramener au bien. Le gouvernement anglais, s’il eût été maître d’obéir à ses propres désirs, n’eût pas demandé mieux que de délivrer la métropole des criminels incorrigibles ; mais la colonie de l’Australie occidentale demandait des travailleurs et non des forçats à surveiller.

Un coup terrible fut bientôt porté à la colonie par la découverte des mines d’or de Victoria. Ces mines devinrent le rendez-vous d’un grand nombre de libérés ; aucune loi en effet ne permettait de les retenir après l’achèvement de leur peine. Tout en essayant de se défendre par des mesures législatives contre l’invasion dont elle était menacée, la colonie de Victoria adressa au parlement des