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ces parages quelque inégalité brusque dans la profondeur de la mer. Enfin nous arrivâmes au terme de l’excursion ; mais là aucune trace de l’éruption, ni modification dans la configuration du sol sous-marin, ni aucun changement dans la température ou dans la coloration de la mer. Après une heure de vaines recherches, nous allions reprendre la direction d’Angra lorsqu’un des bateliers nous fit remarquer à peu de distance un point où l’on apercevait un léger bouillonnement. Une étendue de mer à peine de quelques mètres carrés était agitée par un faible dégagement gazeux. Les bulles peu volumineuses se succédaient par bouffées intermittentes et venaient crever en pétillant à la surface de l’eau. C’était là le phénomène ultime de l’éruption. Je n’essaierai pas de dépeindre la satisfaction que me causa cette découverte ; ceux qui ont entrepris des recherches expérimentales peuvent seuls comprendre l’instant de bonheur que l’on goûte en pareil cas. Je dus modérer l’expression émue de ma joie en présence des regards stupéfaits de l’équipage.

On emploie des appareils de formes diverses pour recueillir les gaz naturels qui se dégagent au travers d’une nappe d’eau. Ceux que j’avais adoptés étaient de simples entonnoirs de verre, largement ouverts à la base et munis d’un robinet au niveau de la partie rétrécie. Le robinet fermé, l’instrument est rempli d’eau et enfoncé légèrement dans la mer au-dessus des bulles, qui viennent peu à peu en occuper toute la capacité. Lorsqu’il est rempli de gaz, on l’enlève à l’aide d’un seau introduit doucement au-dessous et on l’apporte dans le bateau. C’est là qu’a lieu le second temps de l’opération, lequel a pour but d’assurer la conservation et le transport du fluide recueilli. Il s’agit alors de faire passer le gaz de l’entonnoir dans de longues fioles cylindriques terminées par une partie effilée. Ces vases, dans lesquels le vide a été préalablement fait à l’aide d’une machine pneumatique, sont fermés à la lampe. Avec un tube de caoutchouc, on en adapte la pointe au-dessus du bec de l’entonnoir, dont on ouvre le robinet, puis on casse la pointe effilée de la fiole, et le gaz se précipite avec violence dans l’intérieur du vase. Quand le sifflement qui indique le passage du fluide au travers de la partie effilée a cessé, on ferme de nouveau au chalumeau cette extrémité rétrécie de la fiole; le gaz se trouve alors parfaitement emprisonné et susceptible d’être conservé intact indéfiniment. L’analyse exacte peut être ainsi réservée pour le laboratoire.

Néanmoins ces petites opérations si simples rencontrent dans la pratique des obstacles ignorés dans un cabinet confortablement installé. La surface de la mer est rarement unie comme celle de la cuve à mercure d’un laboratoire. Le plus souvent les courans entraînent le bateau d’un côté ou de l’autre du point où l’on vou-