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cellulaire ; cette période d’une année était la plus longue qu’on crût à cette époque pouvoir imposer aux condamnés. On sait quelles discussions se sont élevées au sujet de l’influence que l’isolement prolongé exerce sur la santé et l’intelligence des détenus. Sans doute la diversité des méthodes suivies pour l’application du régime cellulaire explique dans une certaine mesure la différence des résultats obtenus. Aucune expérience n’exige en effet, pour être décisive, plus de discernement et de précautions, tant de la part des directeurs des prisons que de celle des médecins. En outre chaque pays n’est-il pas placé dans des conditions spéciales ? Sans parler de la différence des races, ne faut-il pas tenir compte de la variété parfois si grande qu’on observe dans la nature des crimes, variété qui se retrouve dans les antécédens, les habitudes morales, le tempérament physique des criminels ? En Angleterre, la durée de l’isolement cellulaire, fixée d’abord à une année, a été réduite en 1853 à neuf mois ; au contraire en Hollande des lois successives l’ont élevée de six mois à deux ans ; dans l’empire d’Allemagne, le code pénal de 1870 l’a portée à trois ans, et le législateur belge n’a pas craint en 1870 d’atteindre l’extrême limite de dix années pour les condamnés aux peines perpétuelles. D’après les rapports officiels du gouvernement anglais, l’expérience aurait démontré qu’après une année d’isolement l’application au travail était moindre chez les condamnés, et que même leur santé était souvent atteinte. Aujourd’hui encore quelques médecins des prisons trouvent excessive même une durée de neuf mois. Le médecin de Pentonville, dans son dernier rapport, attribue l’excellente santé dont les détenus ont joui en 1870 à des travaux de construction, grâce auxquels un grand nombre d’entre eux ont été employés au grand air au lieu d’être enfermés tout le jour dans leurs cellules.

En admettant d’ailleurs que l’isolement cellulaire pût être prolongé sans danger au-delà d’une année, ni lord Grey ni le parlement n’auraient voulu soumettre exclusivement à ce régime des hommes destinés à être transportés en Australie. Eût-il été sage en effet de tenir ces hommes pendant plusieurs années dans d’étroites cellules au lieu de les endurcir aux rudes fatigues, aux intempéries des saisons, et même au contact des autres condamnés, qu’ils devaient retrouver plus tard dans la colonie ? On pensa donc avec raison qu’il valait mieux, après quelques mois d’isolement, les employer en commun à des travaux publics. La presqu’île de Portland fut choisie pour la première application de ce système, qui devait bientôt recevoir une grande extension.

Mais on touchait déjà aux derniers jours de la transportation ; reprise en 1849 dans l’île de Van-Diemen, elle dut être encore abandonnée trois ans plus tard. Des ligues s’étaient formées en Australie