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efficace du même nombre de condamnés. Tandis que pour l’état la charge a été lourde, pour la colonie de Van-Diemen elle a été la cause d’une ruine complète ; la plupart des colons ont été forcés de quitter l’île, et ainsi a été porté à cette colonie, autrefois très florissante, un coup dont elle a peine à se relever. » M. Gladstone, qui était en 1845 ministre des colonies, se hâta de suspendre tout envoi de condamnés à Van-Diemen et à Norfolk ; mais il resta de cet échec que venait de subir la transportation une impression profonde dans l’esprit des Anglais. Aussi lorsqu’il fut question quelques années plus tard de créer de nouvelles colonies pénitentiaires, il n’y eut qu’une voix pour repousser ce projet, tant on craignait de voir se reproduire les désordres dont Norfolk et Van-Diemen avaient été témoins.


II

Le premier soin de lord Grey, qui remplaça M. Gladstone au ministère des colonies, fut de préparer une réforme complète du système pénal. Tout condamné à la transportation devait être soumis d’abord à un emprisonnement cellulaire de courte durée, puis être employé à des travaux publics en plein air ; c’est seulement après cette double épreuve que le condamné pourrait obtenir, comme une sorte de faveur, d’être envoyé en Australie avant l’achèvement de sa peine. A leur arrivée dans la colonie, les transportés recevraient un certificat de libération provisoire (ticket of leave), et pourraient chercher à se placer chez les colons. En cas de bonne conduite, la libération provisoire ne tarderait pas à se changer, même avant l’expiration de la peine, en libération définitive. C’est par ce système, mis en vigueur à partir de 1848, que s’est faite la transition entre le régime ancien et le régime qui fonctionne aujourd’hui ; 1848 est donc une date importante dans l’histoire de la répression pénale en Angleterre.

Les essais entrepris depuis 1842 à Pentonville avaient démontré la supériorité du système de l’isolement au double point de vue de la crainte qu’il inspire aux malfaiteurs et de l’impression morale qu’il produit sur le condamné. Le travail solitaire, interrompu par de fréquentes visites du directeur, du chapelain, du maître d’école, étonne d’abord le détenu. Celui-ci se sent engagé dans une vie nouvelle, la plus contraire qu’on puisse imaginer à ses anciennes habitudes. La surprise douloureuse, mais salutaire, qu’il éprouve réveille en lui les germes d’honnêteté qu’on croyait étouffés, et le prépare à supporter le châtiment qui lui a été infligé. Aussi n’a-t-on pas hésité en 1847, en Angleterre, à décider que tout condamné à la transportation passerait d’abord une année dans une prison