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procéder du choix, de la libre volonté, de l’élection… Les groupes se formeront bientôt selon la similitude des goûts, selon les affinités de nature, selon l’égalité morale soit en bien, soit en mal ; les condamnés feront eux-mêmes le tri et désigneront à l’administration ceux qui exigent de sa part un soin particulier. » On a peine à voir dans cette idée autre chose qu’une raillerie déguisée à l’adresse des partisans trop convaincus des méthodes de classification.

Après la publication du livre de MM. de Tocqueville et de Beaumont en 1833 et du rapport de M. Crawford en 1836 sur les prisons américaines, le régime de l’isolement cellulaire excita, en Angleterre aussi bien qu’en France, les plus ardentes discussions et fit naître les plus vives espérances. Tous les hommes compétens s’accordèrent à reconnaître que la séparation complète des détenus était le meilleur des systèmes, pourvu qu’on ne l’étendît pas à des peines d’une trop longue durée. On résolut d’en faire l’expérience dans les prisons des comtés et des bourgs. En 1839, une loi autorisa les magistrats locaux à faire subir en cellule aux condamnés tout ou partie de leur peine ; mais, avant de servir de demeure jour et nuit à un prisonnier, toute cellule devait avoir été visitée par un inspecteur, en outre la loi défendait de priver des visites du chapelain et du maître d’école un condamné soumis à l’isolement du travail pendant le jour. La prison cellulaire de Pentonville, bâtie sur l’ordre du gouvernement et achevée en 1842, a servi de modèle pour la construction d’un certain nombre de prisons de comtés ou de bourgs. Toutes les anciennes prisons ont été, au moins en partie, transformées sur le même plan ; mais on se tromperait fort, si l’on croyait que le système de la séparation des détenus est aujourd’hui la règle dans les prisons anglaises. Le comité de la chambre des lords, chargé en 1863 de faire une enquête sur l’état de ces prisons, n’avait pas hésité à déclarer que le régime cellulaire rigoureusement pratiqué était le seul moyen efficace de réformer les individus condamnés à des peines de courte durée. Le comité aurait voulu que le gouvernement imposât aux comtés et aux bourgs l’adoption complète de ce régime, et prît même à sa charge une partie des frais de reconstruction ou de transformation des vieilles prisons ; cependant la loi de 1865 s’est bornée à exiger que toute prison eût au moins un nombre de cellules suffisant pour isoler les détenus pendant la nuit. De plus des quartiers entièrement distincts doivent être affectés aux condamnés des deux sexes, aux individus qui attendent leur jugement, aux débiteurs insolvables. Là même où existe la séparation de jour et de nuit, la loi ne veut pas qu’elle soit absolue ; à la chapelle, à la promenade quotidienne, les détenus peuvent se voir, quoiqu’il leur soit interdit d’échanger aucune parole. Il nous semble qu’on prive ainsi les condamnés d’un des principaux avantages du