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son domaine et le tableau des dégradations gigantesques produites par l’action des eaux; — enfin c’est le splendide déploiement de vie végétale qui s’opère sur ces rivages, et qui semble vouloir y dérober aux yeux la lutte acharnée et éternelle des deux classes d’agens naturels désignés par les géologues sous les noms respectifs de plutoniques et de neptuniens.

Attiré à deux reprises aux Açores par le désir d’accomplir certains travaux de chimie appliquée à la géologie, j’ai dû parcourir pas à pas non-seulement les parties cultivées des. îles, mais encore les régions les plus sauvages des parties centrales. En retraçant ici quelques-unes de mes excursions, mon but est de donner une idée de la conformation d’une contrée qui peut être regardée comme le type des régions volcaniques marines. J’essaierai en même temps de fournir un aperçu des richesses végétales de ces îles, des conditions heureuses qu’y rencontre notamment l’arboriculture, et des remarquables essais d’acclimatation qui y sont tentés ou poursuivis. Quelques-uns des incidens de mes pérégrinations permettront en outre au lecteur de se rendre compte des mœurs et des habitudes de la population des Açores, des progrès qui s’y sont accomplis depuis trente ans sous le rapport intellectuel et moral, et de l’avenir qui semble réservé aux habitans de ce délicieux éden.


I.

J’ai visité les Açores la première fois durant l’automne de 1867, la seconde fois pendant l’été qui vient de s’écouler. Mon premier voyage a été déterminé par la nouvelle d’une éruption sous-marine dont l’apparition venait d’avoir lieu dans le voisinage de l’île de Terceire. Ces sortes d’éruptions empruntent un attrait tout particulier aux conditions spéciales dans lesquelles elles s’opèrent. La situation de la bouche volcanique au sein même des flots de la mer donne aux phénomènes un aspect différent de celui qui s’observe d’ordinaire dans les volcans dont les cratères sont ouverts à l’air libre, et à certains égards elle en facilite l’étude. Les manifestations du feu souterrain sont loin d’être uniquement caractérisées par des écoulemens de lave; les matières en fusion manquent souvent dans les cataclysmes volcaniques, même les plus effroyables ; mais ce qui n’y fait jamais défaut, ce sont les dégagemens torrentiels de gaz et de vapeurs. Or, par suite de la porosité du terrain et de la nature scoriacée des roches, dans les volcans aériens plusieurs de ces matières volatiles arrivent à la surface déjà mélangées à l’air atmosphérique et par conséquent altérées, quelquefois brûlées complètement avant même qu’on puisse les recueillir pour en faire l’examen. Le géologue chimiste recherche