Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/457

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1848, et on peut affirmer qu’il est insoluble dans le système d’une chambre unique. Supposons que la constitution future concentre, à l’exemple de la constitution de 1848, le pouvoir législatif dans une seule assemblée issue de la souveraineté du nombre, quel que soit d’ailleurs le mode de nomination du pouvoir exécutif, qu’il soit élu par les électeurs ou par l’assemblée, autrement dit qu’il soit le produit du suffrage universel direct ou à deux degrés, cette constitution ne couvrira suffisamment ni les intérêts de la classe dirigeante, ni ceux de la propriété, et la république de 1871 aboutira fatalement comme ses deux aînées à la dictature.

Supposons au contraire deux chambres ayant une origine et des attributions différentes, — l’une issue du suffrage restreint, investie du droit de choisir le chef du pouvoir exécutif, et ayant même, comme le sénat américain, une participation directe au gouvernement, — l’autre issue du suffrage universel et investie, comme représentant l’universalité des contribuables, du droit de consentir l’impôt, par conséquent aussi d’examiner et de voter en dernier ressort le budget; supposons encore qu’aucune disposition nouvelle ne puisse être introduite dans la législation que du consentement des trois pouvoirs, cette constitution ne renfermera-t-elle pas les garanties nécessaires de sécurité et de liberté dont une nation ne peut plus aujourd’hui se passer? En admettant que la première chambre soit élue par une classe censitaire représentant, comme celle de la monarchie de juillet, la grande et la moyenne propriété et comprenant la grande majorité des familles vouées à la politique, à l’administration, à la magistrature et aux autres services publics, il est bien clair qu’une chambre issue de cette classe conservatrice par excellence se garderait de confier à un état-major démagogique et socialiste le gouvernement du pays. Elle serait la forteresse des intérêts conservateurs ; cependant, tout en leur assurant la sécurité qui leur est indispensable, elle ne pourrait leur attribuer le monopole illimité dont ils étaient pourvus sous la monarchie constitutionnelle. Le contre-poids nécessaire de ce monopole se trouverait dans la seconde chambre, tenant, comme la chambre des communes en Angleterre, les cordons de la bourse, et ayant d’ailleurs sa part dans le pouvoir législatif. La sécurité des petits intérêts serait ainsi garantie comme celle des grands. En outre cette organisation constitutionnelle n’assurerait-elle point, cette fois d’une manière stable et régulière, les libertés nécessaires? Si le gouvernement était, par la constitution de la première chambre, établi irrévocablement dans cette région supérieure et moyenne de la nation où se trouve concentrée la capacité politique, où d’une autre part on trouve aussi réunies les garanties les plus complètes