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qu’ils ne leur faudra pas également 100 millions de plus pour leur commerce et qu’ils ne chercheront pas aussi à retirer un intérêt de l’avance de cette somme ? Évidemment le résultat sera le même, et un renchérissement semblable aura lieu dans les deux cas. Il faut toujours en revenir à la question de savoir sous quelle forme l’impôt sera le moins senti et partant le moins préjudiciable à la richesse publique.

M. le président de la république, dans un discours resté célèbre comme tous ceux qu’il prononce, a dit au mois de juin 1872 qu’en fait d’impôts le cachet de la civilisation était l’accroissement relatif des taxes de consommation, et il a comparé sous ce rapport l’Angleterre à la Turquie. Dans le premier de ces pays, le progrès de la richesse est tel qu’en prenant une très légère part des fruits qu’il donne chaque année l’état peut obtenir des sommes considérables sans apporter le moindre trouble dans les relations commerciales, — tandis que dans le second, pour avoir de l’argent et en petite quantité, le gouvernement s’attaque aux sources mêmes de la richesse, le prélève non-seulement sur le revenu, mais sur le capital, ce qui diminue les forces productrices du pays et le condamne à une infériorité constante. Une grande nation dont on invoque souvent l’exemple à notre époque, celle des États-Unis d’Amérique, ne s’y est pas trompée ; lorsqu’elle a eu besoin de sommes importantes pendant la guerre de sécession, elle les a demandées pour la plus grosse part aux taxes indirectes ; elle a tout imposé, les articles de première nécessité comme les autres, et elle est arrivée ainsi à équilibrer son budget et à réaliser chaque année des excédans considérables, qu’elle applique à réduire sa dette. Depuis, il est vrai, lorsqu’elle n’a plus été en face des mêmes besoins, elle a beaucoup diminué ses taxes indirectes, mais elles n’en restent pas moins encore la principale source de son revenu. Il en est de même dans les états européens. Partout où il y a de bonnes finances et des budgets en équilibre, ce n’est qu’avec le concours des contributions indirectes.

Maintenant s’ensuit-il qu’on peut impunément taxer tous les produits et dans la mesure des ressources qui sont nécessaires ? Non assurément ; seulement la limite est non pas dans la justice et l’égalité, qui sont hors de cause par le fait de la répercussion, mais dans la prudence économique ; il faut s’attacher à ne pas décourager la consommation et à ne point exciter la fraude. En France dernièrement, lorsqu’on a eu à remanier les taxes, au lieu d’agir sur l’ensemble des contributions et de les élever toutes dans une certaine mesure, ce qui aurait donné une très large base à l’élévation et aurait permis de la rendre très modérée, on en a choisi quelques--