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avait été assassiné dans les conditions les plus tragiques, au milieu même de sa famille. Ses filles, saisissant des revolvers, avaient fait le coup de feu pour le défendre, et il était tombé sous le poignard de ses hôtes, de ses obligés, de ses flatteurs. Au même instant, à la même heure, le général Lopez Jordan se proclamait, de sa propre autorité, gouverneur de l’Entre-Rios, et il soutenait par les armes cette injustifiable prétention. Il pensait sans doute soulever contre le parti unitaire, actuellement au pouvoir dans la confédération argentine, l’ancien parti fédéraliste, qui a si longtemps lutté contre Buenos-Ayres, et qui, après la chute de Rosas, avait scindé en deux portions la république pendant plusieurs années consécutives; mais ce calcul a été déjoué, et le gouvernement régulier est venu à bout de la rébellion. Quant aux difficultés diplomatiques avec le Brésil, elles n’ont pas été assez graves pour paralyser les progrès du peuple argentin et le développement de la prospérité publique.

Les villes de l’intérieur n’ont pas de bonnes routes, et, malgré quelques vigoureux efforts, ne semblent pas près d’en avoir de si tôt. La longueur des distances, l’absence presque absolue de matériaux ont empêché jusqu’ici la création de chaussées empierrées; en revanche, peu de pays offrent des conditions plus favorables à l’établissement économique de voies ferrées. Le rail Barlow dispense de l’emploi de traverses en bois, et la nature argileuse du sol rend, les travaux particulièrement faciles. Aussi l’élan pour prolonger les lignes existantes et pour en créer de nouvelles est-il tout à fait remarquable. Ainsi que le déclara M. Sarmiento dans son message du mois de juillet 1871, il y avait à cette date dans la confédération argentine 531 milles de voies ferrées en exploitation, 421 en construction, 1,954 à l’étude. Un an auparavant, l’importante ligne de Rosario à Cordova avait été inaugurée. Rosario est l’entrepôt obligé de tout l’intérieur du pays. Son port sur le Parana permet aux bateaux du plus fort tonnage de débarquer à quai. Le trafic de la Bolivie et des provinces de la confédération doit forcément s’opérer par la nouvelle ligne, que le gouvernement voudrait prolonger jusqu’aux frontières de la république, jusqu’au Chili. Cette voie ferrée, qui traverserait des territoires aujourd’hui occupés par les Indiens, deviendrait une jonction entre les côtes méridionales du Pacifique et l’Atlantique. Les régions immenses où passerait le rail ne manqueraient pas d’être vite peuplées. Les chemins de fer ont à cet égard réalisé des prodiges, fait éclore des villes, dévezppé sur tout leur trajet l’agriculture avec une rapidité merveilleuse. La télégraphie électrique a fait aussi de notables progrès. En juillet 1871, on comptait déjà dans la confédération argentine 1,228 milles de fils télégraphiques. Le 25 juillet dernier, on inaugurait la ligne télégraphique qui relie les deux Océans. Joignant les